Principes et limites de l’application rétroactive des tarifs de la REOM
La redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) est un mode de financement du service public d’enlèvement des ordures ménagères, payée par certains contribuables. Dans une récente décision, le Conseil d’État a apporté des précisions sur les effets d’une délibération fixant les nouveaux tarifs de cette redevance de manière rétroactive1 .
La REOM est payée par les ménages et entreprises qui
bénéficient du service de collecte des déchets ménagers. À la différence de la
Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la redevance n’est pas calculée
en fonction de la taxe foncière, mais en fonction du service effectivement
rendu, la collectivité choisissant les critères à utiliser. La logique est donc
simple : plus une entreprise utilise ce service public, plus le montant de la
redevance sera élevé. Ce système est extrêmement critiqué au moins pour deux
raisons. D’une part, il est manifeste que l’existence de ces deux taxes fait
doublon. Beaucoup y voient là un simple levier d’impôt supplémentaire pour les
communes ou leurs établissements publics sans toutefois bénéficier d’une réelle
contrepartie. D’autre part, le choix des critères permettant de fixer le tarif
de la redevance fait également débat. En outre, il existe une grande opacité
sur le mode de calcul de la redevance. Le montant de la REOM pouvant parfois se
révéler très onéreux, certaines entreprises contestent les titres exécutoires
émis par les Établissements public de coopération intercommunale (EPCI) ou les
communes, devant les juridictions administratives.
Décision
En l’espèce, un EPCI avait plusieurs fois modifié le montant de la redevance et décidé d’appliquer les nouveaux tarifs de façon rétroactive. Se voyant assujettie injustement aux nouveaux tarifs, une entreprise en avait contesté le montant. Le Conseil d’État donne raison à la société en posant toutefois une limite, au profit de l’administration. À titre liminaire et fidèle à sa jurisprudence en la matière, les sages ont d’abord estimé que « les règlements ne peuvent, en principe, légalement disposer que pour l’avenir ». Appliquant ce principe général à la matière, le Conseil d’État en conclut que « réserve faite des cas dans lesquels l’intervention rétroactive d’une délibération est nécessaire à titre de régularisation pour remédier à une illégalité […], une délibération qui majore le tarif d’une redevance pour service rendu ne peut légalement prévoir son application avant la date de son entrée en vigueur ». Les juges explicitent ensuite le raisonnement, mais en limitant sa portée : « Si une délibération de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales modifie les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères en prévoyant une date d’entrée en vigueur rétroactive, cette délibération est entachée d’illégalité, mais seulement dans la mesure où la délibération a pour objet d’augmenter le montant de la redevance, pour une période antérieure à la date de son entrée en vigueur. »
1. Conseil d’État, 11 juillet 2019, n° 422577