Quelle stratégie pour la filière industrielle automobile régionale ?
Pour répondre aux nouveaux enjeux liés à la mobilité du futur et aux mutations économiques de la filière automobile, l’Association régionale de l'industrie automobile (ARIA Hauts-de-France) a mandaté le cabinet KPMG pour réaliser une étude permettant de définir un positionnement stratégique pour la filière industrielle automobile régionale. Décryptage.
Menée dans le cadre de l'animation de la filière automobile régionale et au terme d’un partenariat avec le conseil régional des Hauts-de-France et la Banque des territoires, l’étude mandatée au cabinet KPMG a pour objectif de mettre en place une stratégie régionale et un accompagnement coordonné, en identifiant les marges de progrès mais aussi les voies de diversifications des acteurs de l'industrie automobile.
À ce titre, un diagnostic a été réalisé auprès de plus de 40 acteurs de la filière, un benchmark auprès de 16 régions automobiles dans le monde, puis une analyse de la chaîne de valeur, pour identifier les grands chantiers structurants. Nicolas Nowicki, directeur KPMG, en a présenté les résultats lors d’un webinaire.
Une mutation inédite
En premier lieu, Nicolas Nowicki a rappelé qu’aux défis conjoncturels actuels s’ajoutent, pour la filière, des mutations inédites à venir. « Après des années de croissance significative pour la production automobile, le secteur a vécu une contraction de son activité dès 2018, contraction accélérée par la crise de la Covid et la pénurie de semi-conducteurs. L’Europe a été deux fois plus touchée que la moyenne mondiale (-23% pour l’Europe vs -12% pour le monde), avec une production globale en retrait. La France a été doublement impactée par ce repli et par les délocalisations qui ont entraîné une nette diminution de la production et de l’emploi. »
Il poursuit : « L’industrie automobile fait en parallèle face à des transformations profondes pour répondre aux multiples défis règlementaires, technologiques, économiques et sociétaux. Les exigences de réduction des émissions, conjuguées à de nouveaux modes de consommation de la mobilité, mettent à l’épreuve le modèle économique des acteurs, tout en requérant de leur part de lourds investissements. »
L’électrification des GMP (groupes motopropulseurs) ressort comme la tendance la plus impactante. « À court terme, elle exige des investissements importants sans visibilité totale sur le retour sur investissement. À moyen terme, elle met au premier plan la question de la captation de valeur et du positionnement stratégique sur la chaîne de valeur. Enfin, elle remet en question les pratiques d’approvisionnement et le sujet d’indépendance stratégique, elle contraint à repenser les modes de collaboration de la filière et les modalités de formation et d’accompagnement des employés. »
L’émergence de la mobilité dans une logique servicielle (MaaS ou "Mobility as a Service") et l’autonomisation des véhicules sont également des tendances impactantes pour les acteurs de la filière.
De réelles opportunités pour la filière
Face à la menace sur l’emploi que font peser ces transformations, notamment l’électrification, leur analyse par le cabinet KPMG sur la chaîne de valeur actuelle a permis d’identifier les opportunités pour la filière.
Parmi celles-ci, beaucoup sont spécifiques à la chaîne de traction électrique et au développement d’une filière ad hoc, notamment en amont des gigafactories. Des opportunités ont également été identifiées autour des enjeux sur les réseaux de recharge ou bien de la seconde vie des batteries et de leur recyclage, comme sur des maillons plus traditionnels de la chaîne de valeur.
« Le développement des logiciels embarqués (ADAS, divertissement, connectivité) ouvrent des possibilités dans le secteur technologique. Enfin, l’arrivée de mécanismes d’ajustement carbone aux frontières ouvrent des opportunités dans les filières de l’acier ou de l’aluminium. Ces opportunités sont d’autant plus fortes dans les régions où l’énergie est largement décarbonée », selon Nicolas Nowicki.
Pour répondre aux défis qui se présentent à eux, l’étude précise que les acteurs de la filière ont besoin d’être accompagnés financièrement mais aussi techniquement, tant sur l’innovation produit que sur l’innovation de processus, afin de renforcer leur compétitivité. La gestion prévisionnelle des emplois et compétences constitue un autre enjeu clef.
Enfin, les enjeux de transformation et d’adaptation nécessitent de repenser la logique de filière et les schémas de collaboration entre les acteurs, en encourageant une mutualisation des moyens, un renforcement des modèles de partenariat entre clients, fournisseurs, laboratoires et monde académique.
Quatre grands chantiers structurants
À la lecture des résultats de l’étude, KPMG a proposé à l’ARIA Hauts-de-France une feuille de route articulée autour de quatre grands chantiers structurants et de pistes d’actions pour chacun d’eux.
Le premier : favoriser le développement de l'écosystème et encourager une collaboration active pour que la transition vers l’électrique soit créatrice d’emplois pour la région. Le deuxième : soutenir l’innovation pour positionner la région en pointe dans le développement des technologies de rupture : innovation de process, batteries de nouvelle génération, technologies de recyclage, etc.
Le troisième : anticiper les besoins futurs en compétences et établir les plans de formation ad hoc pour que le capital humain contribue au développement de la filière en région. Enfin, un quatrième axe : renforcer la compétitivité des acteurs, l'attractivité de la région et communiquer sur les ambitions de la région pour la filière.
« Les résultats de cette étude nous permettent d’avoir les orientations structurelles et économiques de notre territoire pour les mois et années à venir. Ils seront pleinement intégrés dans la vision de l’ARIA 2030, initiée il y a maintenant un peu plus d’un an, souligne Rodolphe Delaunay, président de l’ARIA Hauts-de-France. Il faut maintenir une solidarité régionale entre les constructeurs, équipementiers et fournisseurs. La région des Hauts-de-France est la première région de France en matière d’automobile et nous devons toutes et tous continuer à travailler pour qu’elle le reste. Cette étude va nous permettre de relever ce challenge. » À suivre…