Droit
Respect des engagements sur le climat : le Conseil d’Etat impose des mesures au Gouvernement
Suite de l’affaire « Grande-Synthe », dans une décision du 1er juillet, le Conseil d’État somme l’exécutif de renforcer sa politique climatique, afin de respecter les engagements prévus par l’accord de la COP 21. Explications.
Le temps presse. Neuf mois, c’est le délai qu’il reste à l’exécutif pour tenir ses engagements sur le climat. Dans sa décision du 1er juillet, le Conseil d’État a enjoint au Premier ministre de prendre, avant le 31 mars 2022, « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national », afin d’assurer le respect des engagements internationaux de la France.
En signant et ratifiant l’accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015, les membres de l’Union européenne, dont la France, se sont engagés à lutter contre les effets du changement climatique, induit, notamment, par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Pour mettre en œuvre cet engagement, ils ont décidé de réduire leurs émissions de 30% par rapport à 2005 d’ici à 2030 ; un objectif de 37% étant assigné à la France. Elle même s’est fixée, par la loi, un objectif encore plus ambitieux de réduction de 40 %, par rapport à 1990.
Une précédente décision relativement sévère
Face à ce qu’elle considérait être une « inaction » en matière climatique, la commune littorale de Grande-Synthe (Nord ), s’estimant menacée par la montée des eaux, a demandé au gouvernement de prendre des mesures supplémentaires, afin de garantir le respect engagements pris par l’Etat sur la scène internationale. Un refus lui ayant été opposé, elle a saisi le Conseil d’Etat, soutenue dans sa démarche par les villes de Paris et Grenoble, ainsi que plusieurs organisations de défense de l’environnement.
Dans une décision avant dire droit du 19 novembre 2020, rendue dans cette affaire, la Haute juridiction administrative s’était déjà montrée d’une relative sévérité envers le « bilan climatique » du gouvernement, mais laissait trois mois à ce dernier pour intensifier ses efforts et prouver qu’il était en capacité de respecter ses engagements.
Des résultats encourageants, mais insuffisants
Le rendez-vous n’a pas été manqué et manifestement, à l’échéance, l’exécutif n’a pas su convaincre le Conseil d’Etat. Certes, tout n’est pas noir. Les magistrats admettent, par exemple, que « le niveau d’émissions de gaz à effet de serre permet de regarder la France comme un des pays industrialisés les plus sobres en la matière ». En outre, ils rappellent que, par décret du 18 novembre 2015, le gouvernement a prévu une trajectoire de réduction des gaz à effets de serre s’étendant sur quatre périodes (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033), comportant chacune un plafond d’émissions, le « budget carbone », progressivement dégressif.
Toutefois, comme l’écrivait déjà le Conseil dans sa décision de novembre dernier, le plafond fixé pour la première période (2015-2018) n’a pas été respecté, ce qui a d’ailleurs motivé le gouvernement, par décret du 21 avril 2020, à revoir à la baisse les plafonds prévus pour les trois autres périodes.
Ensuite, si le Conseil note une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 0,9% entre 2018 et 2019, cette diminution lui apparaît limitée par rapport aux objectifs de réduction visés pour la précédente période (2015-2018), soit 1,9% par an, et par rapport à ceux fixés pour la suivante (2024-2028), de 3%.
Enfin, si les données provisoires pour 2020 montrent une baisse sensible des émissions, cette diminution s’explique, dans une large mesure, par les effets des confinements sur l’activité, et doit donc être regardée comme « transitoire » et « sujette à des rebonds ».
L’échéance de mars 2022
Bien que réels et encourageants, ces résultats restent donc en deçà des objectifs fixés. Et le manquement est plus inquiétant encore à moyen terme, puisque les textes prévoient un durcissement de ces objectifs. En effet, alors que la stratégie nationale prévoit une diminution des émissions de seulement 6 % entre 2019 et 2023, celle-ci devra atteindre 12% pour la période 2024-2028. De même, la Haute Juridiction administrative ajoute que par accord d’avril 2021, le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont relevé l’objectif de réduction des émissions gaz à effet de serre de 40 à 55%, par rapport à leur niveau de 1990.
Dans ces conditions, le Conseil d’État somme le Gouvernement de prendre « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national », d’ici au 31 mars 2022. La formule utilisée est large et ouvre grand le champ des possibles.
L’exécutif pourra plaider le vote de la loi « Climat et Résilience », qui paraît aller dans ce sens ... D’ores et déjà, Matignon a annoncé, dans un communiqué, son intention « de renforcer encore davantage son action climatique ». Il promet de publier rapidement « l’ensemble des textes d’application » de la loi « Climat et résilience », dès son adoption, et de poursuivre ses efforts financiers « pour aider les Français dans la transition écologique », comme avec le dispositif Ma Prime Rénov, l’aide à l’acquisition de véhicules propres ou le développement des bornes électriques . Affaire à suivre...