Secourir les dirigeants en détresse avec Apesa Vallée de l'Oise
Déployé par les tribunaux de commerce de toute la France, Apesa est un dispositif d'aides psychologiques pour les chefs d'entreprise en grande détresse morale. Lancé en 2019 dans le département de l'Oise, à Beauvais, ce dernier a évolué. Depuis le 18 octobre 2022, le Tribunal de commerce de Compiègne a lancé Apesa Vallée de l'Oise pour agir plus vite et être plus proche des dirigeants du secteur.
L'ouverture d'une
procédure collective au tribunal de commerce, pour un chef
d'entreprise, est tout autant une épreuve professionnelle que
personnelle. La liquidation judiciaire, qui suit très souvent, est
le dernier coup porté à une vie entièrement dédiée à son
entreprise. Cet échec souvent empreint de culpabilité, de solitude,
de stress, de désespoir va même jusqu'au suicide. D’autant plus
que cette souffrance morale fait encore l’objet de tabous.
Aux
avant-postes face à ces situations de détresse psychologique plus
ou moins exprimées, les juges consulaires, les greffiers, les
administrateurs, les mandataires judiciaires, les avocats et les
experts-comptables se sentent démunis... car le droit applique la
loi. Pour aider les dirigeants à surmonter ces épreuves, le
dispositif Apesa (Aide psychologique des entrepreneurs en
souffrance aigüe) vise justement à aider les chefs d'entreprise à
surmonter cette épreuve vécue comme un échec, en leur permettant
d'être suivis par un psychologue, gratuitement, pendant cinq séances
(grâce à des financements apportés par les partenaires privés ou
publics associés au dispositif).
Ce dispositif à vocation humaine a été
mis en place en 2019 au Tribunal de commerce de Beauvais, qui gérait
alors tout le département. Depuis le 18 octobre 2022, le Tribunal de
commerce de Compiègne a pris son indépendance, en créant Apesa
Vallée de l'Oise, impulsé par la présidente, Chantal Lenoir, très
impliquée dans la dimension humaine au sein de son tribunal. «
Nous avons créé Apesa Vallée de l'Oise pour agir plus vite sur
notre secteur, et être plus
proches des chefs d'entreprise, explique Yves Lenormant,
président d'Apesa Vallée de l'Oise et par ailleurs vice-président
du Tribunal de commerce de Compiègne. Ce dispositif, c'est une
justice humaine. Nous qui sommes confrontés à des situations
terribles, à des gens qui perdent tout, par moment juste pour un
accident de travail trop long... Apesa permet d'aider à rebondir. Et
nous sommes tous d'anciens dirigeants, nous connaissons cette
solitude vécue et le désespoir de certaine situation. »
Des sentinelles bénévoles
Ce désespoir
touche jusqu'à la vie du dirigeant car, pour la majeure partie
d'entre eux, ils dirigent de petites et moyennes entreprises. « Il
faut distinguer le patronat réel et le patronat de gestion. Pour ce
dernier, les dirigeants n'investissent rien, sont dans de grandes
entreprises et partent avec des parachutes dorés, témoigne à
cœur ouvert Martine Miquel, maire adjointe à la mairie de Compiègne
et vice-présidente à la Région, elle-même chef d'entreprise et
qui soutient totalement Apesa. La très grande partie sont dans le patronat
réel. Ils investissent tout, jusqu'à hypothéquer leur maison.
Quand l'entreprise ferme, ils perdent absolument tout et embarquent
leurs salariés et leur famille avec eux. C'est ça la réalité.
Avec Apesa, il y a de l'humanité dans la justice. » Une
pression qui explose au moment de l'ouverture d'une procédure
collective, la première audience douloureuse.
Alors
pour éviter cette explosion psychologique, le dispositif Apesa met
en place des « sentinelles », tous bénévoles. Et c'est
là sa force. Juges, avocats, mandataires, experts-comptables,
greffiers, mandataires judiciaire et conseillers des chambres consulaires peuvent suivre une formation de
détection de la souffrance psychologique. Ils deviennent alors une
sentinelle et déclenchent une alerte, en accord avec le dirigeant
concerné, quand la détresse est détectée. Une fois l'alerte
déclenchée – qui peut être également faite par un proche du
dirigeant ou par la dirigeant lui-même - cinq séances gratuites
avec un psychologue, un addictologue ou un thérapeute familial
seront alors proposées au chef d’entreprise ou ses proches. « Nous
sommes tous concernés, afin que le chef d'entreprise ne soit plus
seul face à ses idées destructrices, nous intervenons immédiatement
pour assurer une prise en charge rapide. Nous voulons leur dire :
Vous n'êtes plus seul. Le Tribunal de commerce de Compiègne affirme
sa volonté de placer l'humain au cœur des débats »,
exprime Chantal Lenoir.
Le
dispositif - « indispensable » pour
Stépahne Berthlémy, juge consulaire et trésorier d'Apesa Vallée
de l'Oise - prévoit la transmission immédiate de l’alerte à une
personne compétente chargée de réaliser un entretien d’évaluation
psychologique par téléphone et d’assurer éventuellement le
déclenchement du dispositif de soin dans les 24 heures. Pour Apesa
Vallée de l'Oise, plusieurs dizaines de sentinelles sont en place et
un travail fort avec les chambres consulaires est en cours.
Un dispositif collectif
Apesa
est avant tout un dispositif préventif de la détresse. « Nous
devons nous montrer bienveillant lors des audiences et non punitifs
mais tout cela n'est pas suffisant, la situation financière de
l'entreprise ne change pas et Apesa permet de gérer la solitude qui
suit »,
témoigne Patrick Beaulieu, juge, vice-président et secrétaire
d'Apesa Vallée de l'Oise et lui aussi ancien chef d'entreprise.
Pour que ce dispositif donne la possibilité aux dirigeants en
détresse d'être suivis gratuitement pendant les cinq premières
séances, des subventions sont alors nécessaires. Le bureau d'Apesa
Vallée de l'Oise fait un appel aux dons : toute personne morale
peut soutenir ce dispositif et les entreprises ont la possibilité de
devenir membre.
Enfin, un numéro vert national est accessible : 0805 65 50 50.