Transports
Train-train olympique : un défi inédit pour la SNCF
À quelques jours des Jeux olympiques (JO) de Paris, la SNCF présente un dispositif exceptionnel. L’entreprise publique mobilise l’ensemble de son personnel et de son matériel roulant. Le départ de son PDG, Jean-Pierre Farandou, devrait être retardé pour cause de législatives anticipées.
Sur la façade en verre de la gare de Lille-Europe, s’affiche l’image stylisée d’un match très disputé de basket-fauteuil. Comme l’autre grand terminal de la capitale de la région Hauts-de-France, Lille-Flandres, la gare a revêtu ses habits olympiques : « Briquée, décorée pavoisée », en prévision du grand événement, résume Eric Leboube, responsable des gares du Nord-Pas-de-Calais à la SNCF. Car la Lille est aussi une ville olympique : 52 matches de basket et de handball doivent s’y dérouler, du 27 juillet au 11 août. Un million de spectateurs sont attendus pendant cette période dans les gares lilloises, ouvertes de 5 heures à minuit. « Les zones d’attente ont été réaménagées, de nouveaux écrans posés, ainsi que des escaliers mécaniques et une signalétique adaptée », précise le responsable. Les voyageurs seront incités à emprunter le réseau de transports publics Ilévia, exploité par Keolis, filiale de la SNCF. L’aménagement concerne « notamment la gare de Lille-Europe, où la connexion avec le métro était peu visible », explique le chef des gares. Dans le hall, un grand panneau indique désormais la direction du stade Pierre Mauroy, où se dérouleront les épreuves.
En prévision de l’afflux exceptionnel, les équipes de nettoyage ont par ailleurs été renforcées, tout comme celles qui sont chargées de la sécurité. « On a prévu des chiens renifleurs, ainsi que des étiquettes à placer sur les bagages, afin d’éviter les colis oubliés », détaille l’entreprise publique.
A la gare de Vaires-Torcy (Seine-et-Marne) également, les épreuves d’aviron et de canoë-kayak prévues au stade nautique vont bouleverser la routine. « En temps normal, nous recevons 4 000 voyageurs par jour et, pendant les Jeux, nous serons à 8 000 par heure », détaille Stéphane Desruelle, référent pour les JO des lignes P et E du réseau francilien. Les deux quais, la passerelle, les escaliers, les portillons, seront beaucoup plus sollicités qu’un jour normal. Pour résoudre ce casse-tête, la SNCF a considérablement renforcé son dispositif humain. Pas moins de trente employés seront présents tous les jours dans la gare, au lieu d’une personne habituellement. Des formations ont été dispensées, et des tests « grandeur nature » effectués.
La SNCF, une marque qui symbolise la France
Tout est prêt, donc, et la SNCF tient à le faire savoir, malgré les circonstances politiques incertaines. « Nous sommes conscients du contexte », a reconnu Jean-Pierre Farandou, PDG de l’entreprise, lors de la conférence de presse qui s’est déroulée le vendredi 28 juin, deux jours avant le premier tour des législatives. Mais quoi qu’il arrive, les épreuves olympiques se dérouleront sous les yeux de « 4 milliards de téléspectateurs et 15 millions de visiteurs. On doit leur proposer de la bonne humeur », assure-t-il, surjouant son enthousiasme.
79% des sites olympiques sont desservis par le train, à Lille, Lyon, Marseille, sans oublier bien sûr les stades de Paris et de sa région. Le défi est immense pour une entreprise qui devra faire circuler 15 000 trains chaque jour et qui a mobilisé l’ensemble de son parc de TGV. En Ile-de-France, 4 500 trains supplémentaires circuleront. Un « challenge opérationnel incroyable », reconnaît Jean-Pierre Farandou, qui suppose plusieurs réussites : « zéro panne, un super accueil, une réactivité ». Plus que jamais, ajoute-t-il, « la SNCF est un bout de la France », une marque si connue qu’elle symbolise le pays entier et dont le fonctionnement sera scruté à la loupe.
Alors même que les déplacements des spectateurs constituent la principale contribution aux émissions de CO2 de ces « Jeux durables », selon l’expression des organisateurs, la SNCF ne manque jamais de rappeler que « le train est meilleur pour la planète ». L’entreprise précise aussi qu’elle sait réutiliser le matériel mis au rebut. Ainsi, 8 500 traverses en béton, que l’on voit sous les rails, servent à lester les gradins métalliques échafaudés autour des installations éphémères.
L’entreprise publique promet en outre « une ambiance sociale pacifiée », et fera tout pour éviter des grèves, « terribles pour l’image ». Une prime de 95 euros par jour sera ainsi versée à chaque salarié mobilisé pour les Jeux, quelle que soit sa fonction. Jean-Pierre Farandou vante aussi « l’accord sur les fins de carrière », négocié en avril, qui lui a coûté son poste de PDG. « Vous en avez entendu parler », dit-il avec le sourire, en le défendant : « C’est un bon accord, de progrès social ». Suite à l’annonce de ce compromis, qui prévoit une amélioration du dispositif de retraite anticipée, le ministre de l’Economie, Bruno le Maire, avait pourtant convoqué le président de la SNCF, estimant que l’accord visait à contourner la réforme des retraites adoptée en 2023. Alors que Jean-Pierre Farandou espérait voir son mandat renouvelé jusqu’à atteindre la limite d’âge, 68 ans, en juillet 2025, l’Etat lui avait signifié son remplacement à l’automne, après les Jeux olympiques. Un remplacement différé en raison des législatives anticipées, puisque la nomination d’un patron de la SNCF demande l’organisation d’auditions parlementaires. Au-delà de son cas personnel, le PDG ne se fait aucune illusion : « si tout se passe bien pour les JO, personne ne nous remerciera ».