Transport régional : une eurotaxe de transit transfrontalière ?
À quatre mois des élections régionales, Frédéric Cuvillier vient jouer le trouble-fête en émettant le souhait de voir renaître l’écotaxe au niveau des régions. Immédiatement, le cabinet du Premier ministre a attribué à cette proposition une fin de non-recevoir. Toutefois, le député-maire de Boulogne-sur-Mer n’est pas décidé à oublier sa proposition et souhaite surtout l’ouverture d’un débat public.
Initiée en 2009 par le gouvernement de droite de Nicolas Sarkozy suite aux conclusions du Grenelle de l’environnement, l’écotaxe poids lourds était une redevance kilométrique destinée aux véhicules de plus de 3,5 tonnes circulant sur le réseau routier non soumis à péage. L’objectif était de faire participer les transporteurs à l’entretien du réseau non concédé et aux coûts liés à la pollution. Fin 2013, le projet n’aboutit pas du fait de la mobilisation des Bonnets rouges en Bretagne. L’argument de leur mécontentement est purement économique.
Les transporteurs nationaux assurent que « la concurrence sur les prix avec les autres pays européens est déjà intense et que l’écotaxe, qui devait rapporter un peu plus d’un milliard d’euro, ajoute une charge supplémentaire ».
L’écotaxe est ainsi abandonnée en 2014, tout comme l’idée de l’écovignette appliquée aux transporteurs étrangers.
En conséquence, le gouvernement doit verser 800 millions d’euros d’indemnisation à Écomouv’, le consortium chargé de collecter la redevance. Néanmoins, la question des coûts d’exploitation du réseau non concédé et de la fiscalité écologique reste toujours posée.
« Bénéficier des circulations régionales »
« J’ai plaidé dès l’an dernier pour que le principe de l’écotaxe puisse renaître au niveau régional. (…) Je souhaite que nous (la future grande région Nord-Pas-de-Calais- Picardie) soyons pionniers sur le sujet », indique Frédéric Cuvillier, député-maire de Boulogne-sur-Mer. Et d’ajouter : « Notre territoire subit un fort transit de camions du fait de la proximité de l’Angleterre et de la Belgique. 10 à 15% du transport routier de marchandises en France passent par la région Nord-Pas-de- Calais-Picardie. Nous devons bénéficier de ces circulations internationales et non pas uniquement subir la pollution qui en résulte. »
Dans sa proposition, l’ancien ministre n’exclut pas de réutiliser au niveau local les portiques. Pour appuyer sa proposition, Frédéric Cuvillier a mis en avant le système belge Viapass qui doit entrer en vigueur le 1er avril 2016. « Je propose l’extension du système belge à la région, selon des règles dont nous déciderons. Cela pourrait constituer le premier pas vers la création d’une taxe transit européenne. (…) Je demande un moratoire sur le démantèlement des portiques dans la région. »
Ce système consiste à doter les transporteurs d’un boîtier qui transmet par satellite, via des bornes sur le parcours, le nombre de kilomètres effectués et calcule la redevance à appliquer.
Des dispositifs de contrôle sont prévus pour faire payer les éventuels fraudeurs. L’objectif est ainsi de faire payer davantage au kilomètre les véhicules les plus lourds et les plus polluants, et davantage hors autoroute, afin de financer les travaux d’entretien du réseau et capter des recettes sur les nuisances générées pour les réinvestir.
Renforcer le pavillon français mais…
Le précédent des Bonnets rouges ne freine pas l’enthousiasme de Frédéric Cuvillier.
« Les organisations patronales me connaissent, elles savent que cette proposition n’est pas destinée à affaiblir le pavillon français mais à le renforcer. Nous associerons les professionnels à la démarche, afin qu’elle ne soit pas pénalisante pour eux. » Il ajoute que « pour le plan d’ensemble que je propose au débat public, il appartiendra aux représentations régionales, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités, d’en décider. »
Toutefois, les transporteurs indiquent que « les trois organisations professionnelles, la FNTR, TLF et l’UNOSTRA, s’opposeront à toute fiscalité supplémentaire et à toute réapparition de l’écotaxe sous quelque forme que ce soit, notamment régionale. »
Une position ferme qui va dans le sens de celle défendue par Matignon : « Le gouvernement n’envisage pas du tout d’ouvrir la possibilité d’une écotaxe au niveau des régions. » Ceci afin d’éviter de relancer la polémique de l’écotaxe à quelques semaines des régionales.
La démocratie doit rendre son verdict Pourtant,
les arguments de l’ancien ministre sont de poids et s’inscrivent dans la logique de plusieurs directives gouvernementales.
Celle d’une régionalisation plus grande, avec des régions nouvelles, des compétences approfondies et la loi de transition énergétique qui permet la mise en place de plans climat et énergie régionaux.
Aujourd’hui, plusieurs voix, comme celle du président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, tête de liste PS pour les régionales en Ile-de-France, ont laissé entendre que le débat concernant l’écotaxe devrait un jour être remis sur la table.
« Ce serait une bonne chose que de trouver un système qui permette d’élargir la base de nos financements pour pouvoir le plus vite possible réussir la modernisation de nos réseaux de transports », explique-t-il.
La ministre de l’Écologie Ségolène Royal, à l’instar d’autres politiques, avait dit qu’elle allait examiner l’idée de laisser la possibilité à certaines régions de mettre en place une écotaxe pour les poids lourds en transit.
Cependant, très vite, celle-ci a fait machine arrière pour suivre immédiatement la position gouvernementale.
Au regard du refus catégorique exprimé par Matignon, Frédéric Cuvillier précise que « c’est une eurotaxe de transit transfrontalière que je propose ». Tout en ajoutant que « ce dispositif est une nécessité environnementale, économique et sanitaire. »
Maintenant, au débat démocratique de décider de l’avenir de cette proposition si controversée…