Tribunal de commerce de Beauvais : une année paradoxale

Alors que la situation économique a été désastreuse pour de nombreuses entreprises en 2020, le nombre d’ouvertures de procédures collectives de redressement ou de liquidations judiciaires affiche une baisse de 37,5% par rapport à 2019, à 105 ouvertures contre 168 : « mais nous savons tous que cette "drôle d’année" présage des mois très difficiles pour l’activité économique et des records d’ouvertures de procédures pour les tribunaux commerciaux », indique la présidente du Tribual de commerce de Beauvais, Marie-Noëlle Blain. « Les effectifs concernés par l’ouverture de ces procédures sont eux aussi en baisse significative, passant de 445 salariés en 2019 à 172 en 2020 », complète le nouveau Procureur-adjoint en charge de la fonction commerciale, Jean-Pascal Arlaux. Les sanctions appliquées ont elles aussi reculé, avec huit jugements en responsabilité pour insuffisance d’actif, huit interdictions de gérer et neuf faillites personnelles, soit un total de 25 sanctions contre 31 en 2019.

Prévention et soutien psychologique

« Cette baisse artificielle s’explique par les dispositifs d’aides aux entreprises mis en place par le Gouvernement et pourrait s’inverser dès l’arrêt des mesures de soutien », prévient Marie-Noëlle Blain. Selon elle, la meilleure arme est la prévention, avec des mesures malheureusement trop peu utilisées. Mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde, ces procédures offrent le plus de chances de pérenniser les entreprises et par voie de conséquence les emplois. « 62% des entreprises en sauvegarde obtiennent un plan de restructuration de leur dette contre 27% de celles en redressement judiciaire », fait valoir la présidente.

Dans ce sens, une cellule de prévention basée au Tribunal de commerce reçoit les dirigeants tous les mois. En 2020, 261 entretiens ont ainsi été menés par la présidente et le juge délégué. 123 d’entre eux concernaient des demandes de Fonds de premier secours : mis en place par la Région Hauts-de-France en partenariat avec les Tribunaux de commerce, ce dispositif intervient après le refus d’un PGE (Prêt garanti par l’État) et l’échec de la médiation du crédit. Il a permis aux entreprises de bénéficier d’une avance remboursable allant de 5 000 à 50 000 euros, soit 580 500 euros au total. Mais on le sait, les difficultés des entreprises ont des répercussions importantes sur l’équilibre psychologique de leurs dirigeants, et plus encore en période de crise comme celle que nous traversons. En mars 2019, le Tribunal de commerce avait mis en place le dispositif APESA (Aide Psychologique Pour les Entrepreneurs en Souffrance Aigüe). Dès avril 2020, le ministère de l’Économie et des Finances s’est appuyé sur APESA France pour ouvrir un numéro vert : à fin novembre, près d’un millier d’alertes ont été enregistrées avec la prise en charge de 421 dirigeants, en hausse de 46% par rapport à la même période de 2019.

Nouveau fonctionnement

Sur le plan du fonctionnement, le Tribunal de commerce de Beauvais aura lui aussi souffert des conditions très particulières de ces derniers mois, entre le mouvement social des avocats en début d’année et la crise sanitaire. « Si la justice commerciale a continué à fonctionner pendant le premier confinement, c’est essentiellement grâce à nos greffiers », assure Marie-Noëlle Blain.

Grâce aussi à l’étroite collaboration avec Madame le Bâtonnier Valérie Bulard et le vice-Bâtonnier Jean-François de la Servette, la durée moyenne des instances s’est maintenue à 325 jours (382 en 2019). Et les 15 juges du Tribunal ont eux aussi fait preuve du plus grand dévouement. Deux juges ont quitté la juridiction, Olivier Villette et le vice-président et président de la Deuxième Chambre Georges Lenne, auquel la présidente a rendu un vibrant hommage. Deux nouveaux juges ont donc prêté serment, Sylvain Pruvost, président d’Intermarché Bresles et de Scapêche Bretagne Ouest, et Franck Colmont, directeur de Big Mat Beauvais Matériaux. Claude Michaux assurera désormais la vice-présidence du tribunal et la présidence de la Première chambre, Claudine Lucien présidera la Deuxième Chambre et Pierre Devillaire conservera la présidence de la Chambre des sanctions.