« Sur les salons virtuels, il manque le hasard, qui ne peut être généré par un algorithme »
Événementiel : « Sur les salons virtuels, il manque le hasard »
L'événementiel a été le premier secteur à subir les effets de la pandémie. Aujourd'hui, les salons professionnels ont rouvert leurs portes, même si leur activité reste bridée par l'absence des étrangers. Et le tout-virtuel ne représente pas l'avenir. Trois questions à Pierre-Louis Roucaries, président délégué d'Unimev (Union française des métiers de l'événement).
Anne Daubrée : Que représente le secteur de l'événementiel en France ?
Pierre-Louis Roucaries : En 2019, le secteur représentait 40 600 emplois directs. Il est constitué de plusieurs milliers de PME et TPE, et aussi de six ou sept ETI qui sont des leaders mondiaux, à l'image de Comexposium, qui organise 170 événements par an, ou GL Event. En fait, la France est la troisième destination mondiale de l’accueil de congrès ! Et il faut ajouter les événements culturels, sportifs... Chaque année, nous organisons 1 200 foires et salons, 3 000 congrès et 380 000 événements d’entreprise et institutionnels. En termes de métiers, le secteur est très diversifié : gestionnaires de lieux, organisateurs de salons, prestataires de services de différents types, sécurité, accueil, informatique.. Et encore, agences de design, créateurs de stands, sociétés spécialisées des plantes et fleurs... Par ailleurs, le rôle de l'événementiel est très important pour les territoires. En 2019, le chiffre d'affaires du secteur seul s'élève à 20 milliards d'euros. Mais par ruissellement, son activité génère 19,5 milliards d’euros pour les hôtels, les restaurants... D'ailleurs, aujourd'hui, on voit que les métropoles ont du mal à se redresser sans le tourisme d'affaires.
Comment l'événementiel a-t-il vécu la crise, et connaît-il une véritable reprise ?
2020 a été une catastrophe pour l'ensemble des acteurs. Nous avons été les premiers à être arrêtés. Fin février, avant même le confinement, la mise en place de la jauge des 5 000 a stoppé l'ensemble de l'activité. Et au total, entre février 2020 et mai 2021, il y a eu très peu de périodes durant lesquelles nous avons pu travailler. D'autant qu'il faut plusieurs mois, voire un an pour organiser un événement… Au total, nous avons perdu 30% de nos salariés et subi une baisse de 70 à 80% du chiffre d’affaires, en 2020. Depuis cet automne, l'activité a partiellement repris : les grands événements se tiennent, mais avec des jauges réduites. En effet, visiteurs et exposants de l'étranger, qui représentent plus du tiers des participants en temps normal, ne peuvent pas venir. Nous espérons que 2022 sera l'année de la reprise. Toutefois, il reste des incertitudes. L'activité de cet automne nous rend plutôt optimiste quant au comportement des clients : les professionnels ont envie de revenir ! Le bémol est plutôt du côté de la reprise des transports internationaux... Autre sujet de préoccupation : il ne faudrait pas que le soutien du gouvernement, qui pour l'instant, a permis de fortement limiter les faillites d'entreprises, s'arrête trop vite.
Les pratiques de l'événementiel ont-elles été bouleversées par la numérisation durant la pandémie ? Ces éventuels changements sont-ils pérennes ?
Durant la crise, des expérimentations ont été réalisées, des salons virtuels se sont tenus... Toutefois, je ne crois pas qu'ils vont remplacer les salons physiques. Il y manque le hasard, qui ne peut pas être généré par un algorithme. Sur un salon physique, une personne va vous en présenter une autre...Et puis, on ne se dit pas les mêmes choses en direct, et via un média numérique. Pour autant, cela fait déjà plusieurs années que le digital représente une source de croissance importante pour le secteur : il permet d'élargir la communauté, de la faire vivre toute l'année, de faciliter la vie des visiteurs sur un événement...Et pour le futur aussi, le digital constituera un moteur de croissance.
La tendance devrait se renforcer avec le « phygital ». Celui-ci ne consiste pas à diffuser sur Internet une conférence... Cela ne fonctionne pas vraiment. Il s'agit d'une démarche nouvelle. Sur un même sujet, le phygital implique la création de deux produits distincts, l'un adapté au présentiel, l'autre au digital. Par exemple, l'intervention d'un expert pour le digital sera plus courte que pour le présentiel, mais enrichie d'infographies, de vidéos... Il y a trente ans, nous étions des logisticiens. Aujourd'hui, nous sommes aussi des professionnels du contenu, de leur agrégation. Cela implique un enjeu fort de formation pour le secteur.