Un Congrès des maires de l'Oise sous haute tension

Si depuis quelques années les maires de l'Oise étaient inquiets, prônaient des préconisations et étaient finalement en colère, le 73e Congrès des maires de l'Oise a définitivement marqué un début de rupture avec l’État : les élus locaux ont voté une motion censure suite aux propos de l’ex-ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et à la présentation du projet d’économies budgétaires de cinq milliards d'euros pour les collectivités.

Alain Vasselle, au centre, a rappellé la colère des maires.
Alain Vasselle, au centre, a rappellé la colère des maires.

C'est une grande colère qui a parcouru les maires, lors du 73e Congrès des maires de l'Oise, organisé par l'Union des Maires de l'Oise, à Bresles. Les propos de Bruno Le Maire en septembre, pointant du doigt les collectivités territoriales sur la gestion de leur budget, et les accusant d'avoir participé activement à la dette publique, ne sont pas acceptés par les élus locaux, ni même le projet du nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, visant à faire cinq milliards d’économies par les collectivités. Si ce projet, intégré dans la loi de finances, est voté, « les élus vont devoir choisir entre augmenter les impôts pour poursuivre leurs projets ou bien ne pas augmenter les impôts et réduire leurs investissements. La situation est devenue préoccupante », note Alain Vasselle, président de l'Union des maires de l'Oise (UMO).

Si préoccupante que l'UMO a voté à l’unanimité une motion de censure pour refonder la confiance entre les communes et l’État et pour réclamer « une véritable réforme des finances locales pour aller vers une véritable autonomie de gestion », précise Alain Vasselle, soutenu par Nadège Lefebvre, présidente du Département de l'Oise. « Entre 2010 et 2017, les collectivités ont déjà contribué au redressement des comptes, rappelle de son côté Véronique Pouzadoux, vice-président de l'Association des Maires de France (AMF). Ce projet est une copie qui ne convient pas et ce n'est pas acceptable : demander 5 milliards d'euros d'effort, c'est demander 12,5% d'effort de la dette. Il faut rappeler au gouvernement que les collectivités locales représentent 70% de l'investissement public et si elles tombent, tout le territoire tombe. » Si pour Jean-Pierre Bosino, maire de Montataire « c'est un procès insupportable », l'élu répond au projet de suppression de 100 000 postes : « les emplois créés répondent à des besoins de service public, si on les supprime, on supprime le service qui va avec. »

L'UMO a rassemblé près de 400 personnes.

Pour répondre à la très grande colère des maires, Olivier Paccaud, sénateur et membre de la commission des finances, a tempéré : « c'est un projet de budget et la copie est perfectible. Qu'on le veuille ou non, nous devons faire des efforts. Le problème est qu'il n'y pas eu de réforme de structures des collectivités. Il faut changer de système ou instaurer une réforme des fiscalités locales. (…) Je suis quand même optimiste, car nous allons tout faire pour protéger les communes car il y a d'autres solutions ».

Une situation dégradée des finances

L'annonce de Laurent Saint-Martin et les accusations de Bruno Le Maire sont d'autant plus mal reçues par les maires au vu du bilan des finances publiques dans l'Oise, opéré par le cabinet indépendant de conseils au collectivités locales, CBG Territoires. « Dans l'Oise, les collectivités ont de moins en moins de marge de manœuvre, notamment pour les plus petites communes, explique Clément Bousquet, expert en finances locales et fondateur de CBG Territoires. Et nous observons de plus en plus de difficultés structurelles qui apparaissent. Si d'habitude je me veux optimiste, aujourd'hui je suis alarmiste. »

L'épargne des plus petites communes est notamment touchée : entre 2022 et 2023, une baisse de 18 à 20% est enregistrée pour les communes de moins de 3 500 habitants et « une véritable dégradation » s'est faite dans les communes entre 3 500 et 20 000 habitants. Quant aux communes de plus de 20 000 habitants, elles s’endettent davantage. Dans un contexte incertain, Clément Bosquet remarque « une maîtrise sensible de l'endettement et une gestion raisonnée de la trésorerie, surtout pour les plus petites communes. » Mais cette maîtrise est désormais devenue nécessaire pour investir, comme le rappelle Alain Vasselle : « Les plus petites communes ont une maitrise de la trésorerie car elles investissent sur leurs réserves et s'il n'y a pas de réserve, il n'y a pas d'investissement ». D'ailleurs, les finances locale de l'Oise se dégradent car, en 2023, les plus petites communes ont investi au total 131 millions d'euros contre 136 millions en 2022.