Vent arrière pour l’économie du vélo
Alors que le prix des carburants connaissent un pic historique, le vélo constitue un recours pour de nombreux citadins. Les flux de bicyclettes ont aussi une traduction économique, affirme un député de la majorité : 100 000 emplois directs, des économies de dépenses de santé, et une industrie relocalisée.
« Une réelle opportunité industrielle ». Pour Guillaume Gouffier-Cha, député (LREM) du Val-de-Marne, les vélos que l’on voit passer matin et soir dans les rues des villes constituent une chance inédite pour l’économie française. Depuis le printemps 2020, l’essor de la bicyclette comme moyen de déplacement se traduit par une ruée sur les magasins de cycles. La hausse du prix de l’essence, ces dernières semaines, pourrait doper encore la demande de vélos. Mais la pénurie de composants, pour la plupart importés d’Asie, et la hausse du coût du transport international, ont entraîné des ruptures d’approvisionnement qui continuent à peser sur les distributeurs.
À Bercy, la transition cyclable provoque paradoxalement une forme d’inquiétude. Il ne faudrait pas que ces importations finissent par grever la balance extérieure ! Les clients, eux, interrogent leurs vendeurs : quelle bicyclette acheter pour encourager l’économie française ? C’est notamment pour répondre à ces craintes que le député Gouffier-Cha a proposé au gouvernement une mission parlementaire consacrée à l’économie du vélo. Entre octobre 2021 et février 2022, le député a auditionné 130 personnes et effectué 24 visites dans des entreprises d’assemblage, produisant des pièces détachées ou recyclant des batteries électriques, en France et au Portugal.
Après quelques mois de travail intense, l’élu est formel : oui, il est possible de relancer la production en France. Aujourd’hui, seuls quelques artisans indépendants sont capables de construire des vélos entièrement composés de pièces créées dans l’Hexagone. En revanche, la plupart des usines produisant des marques françaises, comme Moustache, Gitane ou celles que propose le distributeur Intermarché, ne font qu’assembler les objets à partir de pièces importées. 690 000 vélos, classiques ou à assistance électrique, ont été assemblés en 2020 en France, ce qui correspond à un quart des ventes.
Pour « reconstruire le fondements d’une industrie du vélo », Guillaume Gouffier-Cha propose d’« investir dans le développement et la modernisation » des unités de production. Lors de sa tournée, le député a découvert certaines usines vieillissantes, sous-équipées en machines modernes, loin de la propreté chirurgicale des usines visitées au Portugal. L’élu de la majorité préconise également d’investir dans l’innovation, « afin d’identifier les futures ruptures technologiques » que pourrait apporter le vélo à assistance électrique. Parmi ces « ruptures » figure, selon lui, la fabrication du cadre, qui pourrait être conçu spécialement pour un modèle électrique, ou les systèmes électroniques régulant le moteur et la batterie.
Les passerelles avec l’industrie automobile ne sont pas rares. Le fabricant Moustache, près d’Épinal (Vosges), a investi, en 2018, les locaux d’un sous-traitant de l’automobile, et repris quelques-uns des salariés qui y travaillaient. Le directeur financier d’Arcade cycles, à La Roche-sur-Yon (Vendée), a fait l’essentiel de sa carrière chez l’équipementier Valéo. Les qualités requises pour assembler des vélos ressemblent à celles que l’on demande aux ouvriers de l’automobile. « Être habile de ses mains, savoir manier des outils, supporter la station debout », explique Céline Jegou, directrice des ressources humaines de MFC, la plus grande usine française, sise à Machecoul (Loire-Atlantique).
Des acteurs industriels méfiants
À l’intérieur même de la filière vélo, le député plaide pour la coopération entre acteurs industriels. Ce n’est pas toujours le cas. En novembre 2021, Guillaume Boutte, directeur général de l’entreprise Mach1, un sous-traitant important puisqu’il fabrique des jantes, regrettait que les concurrents se méfient les uns des autres et ne s’allient pas pour commander ensemble des pièces à leurs fournisseurs asiatiques.
À La Roche-sur-Yon, François Lucas, PDG de l’entreprise Arcade cycles, reconnaissait, quelques mois plus tôt, que les liens avec d’autres industriels de la région étaient surtout « de l’ordre amical ». En février, la position de l’entreprise avait quelque peu évolué. Son fils Frédéric, appelé à lui succéder, reconnaissait que des appels d’offre passés avec des concurrents pourrait permettre de faire face à la pénurie de certains composants.
Guillaume Gouffier-Cha appelle dès lors de ses vœux un « comité de filière » rassemblant l’ensemble des acteurs, au-delà de la seule industrie : « les secteurs des services, de la réparation et de la maintenance, la cyclologistique et le vélo tourisme ». D’ailleurs, « plus de 10 millions de vélos inutilisés dorment dans les caves et garages, et 1,5 million seraient jetés chaque année », écrit le député. Afin de sécuriser, pour le client, le recours à la réparation, il propose d’obliger les ateliers à employer au moins un titulaire d’un diplôme qualifiant.
Au total, le rapport parlementaire parie sur la création, d’ici 2050, de 100 000 emplois directs dans la filière du vélo. Cela semble peu, au regard de l’économie nationale. Mais le bénéfice du secteur cyclable ne se limite pas au marché de l’emploi. « 10 kilomètres à vélo par personne, par jour, réduisent la mortalité cardiovasculaire et génèrent 2 700 euros d’économie de dépenses de santé », affirme l’élu.
Ces réussites demeurent toutefois subordonnées à la progression de la part du vélo dans la mobilité quotidienne. Dès lors, pour le député, la principale mesure que devrait prendre le prochain gouvernement consisterait à « renforcer et accélérer le plan vélo », en le portant à 400 millions d’euros par an, contre 50 millions entre 2018 à 2024. De façon à ce que l’on continue à voir passer des vélos dans les rues des villes.