Conjoncture
Post Covid : les grands défis économiques de la France
Le rapport Blanchard-Tirole remis au président de la République liste des préconisations pour répondre aux grands défis économiques de la France : réchauffement climatique, inégalités et vieillissement de la population…
Avant la pandémie, au début de l’année 2020, Emmanuel Macron avait chargé Jean Tirole, prix Nobel 2014 en sciences économiques et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, de constituer librement une commission de réflexion sur les grands défis économiques de la France. Vingt-quatre économistes internationaux ont ainsi apporté leur contribution sur trois défis structurels choisis en accord avec l’Élysée : le changement climatique, les inégalités économiques et la démographie. Leurs conclusions - recommandations et propositions plus exploratoires - ont fait l’objet d’un rapport de 500 pages, remis au président de la République, le 23 juin dernier.
Un retour de la taxation du carbone
Constatant un décalage entre l’inquiétude de la population face au réchauffement climatique et la réticence à supporter le coût de la transition écologique, la commission recommande, comme mesure phare, une tarification du carbone (taxe, quotas…), en veillant à rendre son mécanisme transparent, tout en évitant les recours abusifs aux exonérations. Et pour prévenir un éventuel dumping environnemental, elle suggère d’ajouter un ajustement aux frontières. La préférence pour les mécanismes de marché est clairement affichée, les subventions ciblées (en faveur, par exemple, des technologies renouvelables), les normes et interdictions ne devant intervenir que lorsque la tarification du carbone atteint ses limites. Et pour éviter le retour des Gilets jaunes, il est suggéré de se préoccuper des perdants potentiels, « par exemple des ménages modestes vivant en zone péri-urbaine et rurale », bref de leur donner un chèque…
Imposition des successions
En ce qui concerne les inégalités, même si le rapport admet qu’elles revêtent des dimensions multiples, il choisit de se concentrer en priorité sur le « degré d’accès à un emploi de qualité et à une vie professionnelle satisfaisante ». Après avoir rappelé qu’en matière d’inégalités de revenus, d’inégalités de patrimoine et d’inégalités régionales, la France est loin d’être un mauvais élève, les auteurs affirment que « les Français ne croient pas à l’égalité des chances dans l’éducation et l’emploi, et sont sceptiques quant à la mobilité sociale, ce qui concorde largement avec la réalité ».
De là découlent les recommandations en matière d’éducation (renforcement de l’attractivité des métiers de l’enseignement, réduction de la ségrégation scolaire…), de formation professionnelle (certification rigoureuse, conception des formations avec l’appui des employeurs) et de réformes du marché du travail (modulation des cotisations patronales à l’assurance-chômage pour réduire le recours aux CDD). Mais la mesure choc concerne l’imposition des successions, dans la mesure où les auteurs proposent que les bénéficiaires soient imposés à un taux progressif sur la totalité des sommes reçues au cours de leur vie (dons, héritages…) et qu’une partie de ces recettes fiscales soient affectées à une redistribution financière favorisant l’égalité des chances !
Réforme des retraites
L’allongement de l’espérance de vie - et celle en bonne santé - nécessite, selon les auteurs, « le maintien d’un juste équilibre entre travail et retraite ». Traduction : il faut mener une réforme de grande ampleur du système des retraites, afin de le rendre plus transparent, plus juste et soutenable financièrement. Leurs recommandations s’orientent vers une incitation à travailler plus longtemps, avec la mise en place d’un système de retraites unifié à points (avec indexation sur les salaires plutôt que les prix), qui laisserait à chacun la liberté d’arbitrer entre âge de départ (au-delà d’un seuil minimum) et montant de la retraite. Des « points gratuits » pourraient cependant être donnés à ceux qui ont une faible rémunération ou un « parcours professionnel heurté ».
Ainsi, quel que soit le thème, ce rapport fait l’hypothèse - fort discutable - que des solutions existent dans le cadre socioéconomique actuel et que les réticences à les mettre en œuvre procèdent avant tout de réformes mal pensées et mal expliquées. Eu égard aux enjeux, il eût été indispensable de commencer par ouvrir cette commission à des experts d’autres sciences sociales et surtout des acteurs du terrain, afin notamment de ne pas oublier l’importance des collectivités territoriales dans les conclusions.
Mais la finalité d’un tel document, qui vient après le rapport de la commission Arthuis sur la dette publique et celui de la Cour des comptes sur l’avenir des finances publiques, est peut-être avant tout de donner une caution scientifique à la politique économique menée par l’exécutif…