Défaillances d’entreprise : le plus dur reste à venir

Quel va être l’impact sur les défaillances d’entreprises du choc économique et du brutal recul de l’activité provoqués par la crise sanitaire en France au deuxième trimestre ? Pour l’heure, le gel des procédures collectives et les mesures d’aide gouvernementales faussent le diagnostic de l’état de santé des entreprises. Les mois à venir devraient être décisifs. 

(c)Adobestock
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Après huit semaines de confinement et une reprise en pointillés, la France a enregistré une nette récession au cours du second trimestre. Selon l’Insee, qui vient de confirmer son estimation de fin juillet, le recul de l’activité s’établirait à 13,8%. Mais en dépit de ce début d’année très chaotique, certains indicateurs économiques tablent sur une reprise assez dynamique. Fin juillet, l’Insee et la Banque de France prévoyaient ainsi, respectivement, une hausse de 19% et de 14% de l’activité au troisième trimestre, en raison notamment du fort rebond de la consommation des ménages. Mais, la situation reste très préoccupante du côté des entreprises, qui ont accumulé beaucoup de dette pendant cette période et font face à une grande incertitude pour les mois à venir. 

Des statistiques qui ne reflètent pas la réalité 

Selon les données sur les défaillances d’entreprises en France dévoilées début juillet par la société d’études Altares, ces dernières ont enregistré un niveau historiquement bas : moins de 6 000 entreprises ont fait l’objet d’une procédure collective au second trimestre 2020. « C’est l’aménagement des textes réglementaires et les aides mises en place par les pouvoirs publics qui ont permis cette étonnante résistance des entreprises », explique le rapport d’Altares. « Sans cette adaptation du droit et l’aide des pouvoirs publics, des dizaines de milliers d’entreprises seraient tombées dès ce deuxième trimestre, beaucoup disposant de moins de trente jours de liquidité pour faire face aux dépenses immédiates »

Parmi les mesures dérogatoires adoptées au printemps figure, notamment, une modification temporaire des règles du droit des entreprises en difficulté, qui prévoit que les entreprises avaient jusqu’au 24 août pour se déclarer en cessation de paiements (alors que le délai habituel est de 45 jours). Une parenthèse juridique destinée à protéger les entreprises et qui a pour effet de retarder la vague des déclarations des défaillances – sachant qu’une défaillance ne conduit pas nécessairement à une faillite mais peut donner lieu à la poursuite de l’activité après une restructuration de dette, par exemple.

Un possible pic de défaillances fin 2020/ début 2021

C’est le constat que dresse l’étude publiée mi-juillet par le spécialiste de l’assurance-crédit, Euler Hermès, sur l’évolution du risque d’impayés en France et dans le monde en 2020 et 2021. « La vague de défaillances sera décalée dans le temps et aura lieu entre le second semestre 2020 et le premier semestre 2021 », résume l’étude. « Ce décalage provient de deux facteurs principaux : (i) une raison purement statistique dans les pays qui ont fermé leurs tribunaux de commerce et/ou ont gelé les procédures d’enregistrement des faillites, afin de laisser le temps aux entreprises de se relever de la crise. (ii) Les nombreux plans de soutien aux entreprises ont été mis en place par les États et jouent un rôle d’amortisseur. Toutefois, ces mesures ne seront pas durables dans le temps, et les entreprises les plus en difficultés auront du mal à survivre à l’arrêt de ces soutiens »

Euler Hermes estime qu’à l’échelle mondiale les défaillances d’entreprises vont croître de 35% entre 2019 et 2021. De son côté, l’agence de notation Moody’s prévoit un pic de défaillances au premier trimestre 2021 de l’ordre de 9,3%, soit un niveau inférieur à celui enregistré après la crise financière de 2008-2009 (le taux avait alors atteint 13,3%). 

Un plan de relance à 100 milliards d’euros

En ce qui concerne la France, Euler Hermes évalue à 64 000 le nombre des défaillances d’entreprises en 2021, sachant que l’une des faiblesses des entreprises françaises est qu’elles étaient déjà endettées avant la crise. Si tous les secteurs seront affectés, les plus à risque restent les transports, l’automobile, le tourisme, la restauration et le commerce de détail non-alimentaire, ainsi que le secteur industriel, car une partie de la production a été à l’arrêt. Enfin, le confinement a porté un coup fatal à toutes les sociétés qui étaient déjà affaiblies, avant même l’irruption de la pandémie. 

Le plan de relance du Gouvernement français va-t-il réussir à changer la donne ? Doté de 100 milliards d’euros (dont 40 milliards de subventions au titre du plan de relance de l’Union européenne), il vient s’ajouter aux plus de 400 milliards déjà engagés par les pouvoirs publics pour soutenir l’économie. Selon la répartition présentée mi-juillet par le Premier ministre, Jean Castex, 40 milliards d’euros sont destinés à l’industrie pour améliorer la compétitivité de l’appareil productif, 20 milliards au financement de la transition écologique, 20 milliards au soutien à la formation et la préservation des compétences, ainsi qu’à l’emploi des jeunes, et enfin 20 milliards sont réservés à des mesures de solidarité (dont des investissements dans l’hôpital public). 

« Le plus dur reste à venir »

« Je continue à estimer que le plus dur est devant nous, (…) en matière d’emplois, de risque de faillite, de redressement de notre économie, c’est maintenant qu’il faut accélérer, c’est maintenant qu’il faut se retrousser les manches », a déclaré le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, le 28 juillet dernier devant la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. Objectif : « avoir retrouvé d’ici 2022 le niveau d’activité que nous avions avant la crise », a-t-il précisé. Un objectif qu’il juge « réaliste ».