Énergie : des mesures d’urgence face à la flambée des prix !
Hasard ou non du calendrier, la Commission européenne et le gouvernement français viennent d’annoncer, quasiment au même moment, des mesures d’urgence pour limiter la hausse des prix de l’énergie…
La situation sur le front énergétique est grave en cette rentrée. L’arrivée des pluies automnales, qui céderont très vite la place aux frimas de l’hiver, laisse entrevoir des hausses de la demande énergétique au moment où les contraintes sur l’offre seront les plus fortes. Avec, pour résultats prévisibles, des hausses de prix du gaz et de l’électricité, voire des pénuries. Les ménages craignent, à juste titre, de subir un étranglement budgétaire lié aux factures énergétiques, tandis que les entreprises redoutent des coupures dans l’approvisionnement et des hausses de coûts pas toujours transférables dans leur prix de vente final.
Les ministres européens de l’Énergie ont dès lors cherché à se coordonner, mais compte tenu de la grande hétérogénéité des États européens en matière de mix énergétiques et de taux d’industrialisation, les positions sont difficiles à concilier dans l’urgence. La Commission européenne a néanmoins réussi à annoncer deux grands axes d’action, dont a été exclue l’idée d’un plafonnement tarifaire du gaz russe, tant cela aurait pu avoir de conséquences graves pour l’approvisionnement européen.
Réduction de la demande énergique
La première consiste à réduire la demande d’énergie, afin d’apaiser les tensions sur les prix de marché. En pratique, cela passe avant tout par un objectif de réduction de la consommation d’électricité d’au moins 5 % pendant les heures de pointe. Dans un deuxième temps, les États membres devront mettre en œuvre un programme de réduction de la demande pendant les 10 % d’heures pour lesquelles le prix est le plus élevé. Et dans un troisième temps, l’objectif sera une réduction de la demande globale d’électricité d’au moins 10 % jusqu’au 31 mars 2023.
La réduction de la demande d’énergie passera également par l’amélioration de l’efficacité énergétique, de manière à « respecter nos engagements en matière de climat dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe », comme l’affirme Ursula von der Leyen. Cela rappelle qu’en cette période de crise, où l’on redémarre en urgence des centrales à charbon et au gaz, les objectifs de transition énergétique et écologique commencent à avoir du plomb dans l’aile…
Taxe sur les superprofits et prix réglementés
Alors que le débat sur l’opportunité de taxer les superprofits des producteurs d’énergie fait rage en France, de nombreux pays européens (Italie, Espagne…) ont depuis longtemps franchi le cap. Au niveau européen, pour ne froisser personne et rester dans le cadre légal, la Commission a banni les mots taxes, superprofits et impôts au profit d’un « plafond temporaire de recettes pour les producteurs d’électricité inframarginaux ». Cette expression absconse signifie que les producteurs d’électricité dont les coûts sont inférieurs au niveau de prix fixé par les producteurs marginaux plus chers verront leurs profits limités. Il a ainsi été décidé que toutes les recettes supérieures à un certain plafond — fixé en tenant compte de leur besoin de couvrir investissements et coûts d’exploitation — devront être reversées aux États membres de l’UE pour que ces derniers aident les ménages et les entreprises à réduire leur facture énergétique. Il en va de même pour la « contribution de solidarité temporaire sur les bénéfices excédentaires » à laquelle seront soumis les producteurs d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon et raffinage).
En complément, la Commission est disposée à s’asseoir (temporairement !) sur le sacro-saint principe de concurrence, de manière à laisser les États membres fixer les prix de l’électricité à un montant inférieur aux coûts, et même à élargir ces tarifs réglementés aux TPE et PME. C’est bien la preuve qu’il y a le feu au lac !
Les mesures en France
Dans une conférence de presse très solennelle, la Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé un prolongement du bouclier tarifaire pour les ménages en 2023. Ainsi, la hausse des prix du gaz et de l’électricité sera limitée à 15%, pour un coût estimé à 11 milliards d’euros pour le gaz et 5 milliards pour l’électricité. Il a également été annoncé une distribution de « chèques énergie exceptionnels », qui « concernera les 12 millions de foyers les plus modestes, et sera de 100 à 200 euros en fonction du revenu », pour un coût de 1,8 milliard d’euros.
Les entreprises ne seront pas en reste, puisque les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros et qui emploient moins de 15 salariés continueront à bénéficier de l’accès aux tarifs réglementés de l’énergie, accès qui sera d’ailleurs étendu à partir du 1er octobre à celles plus grandes qui subissent des baisses de profit et dont la facture énergétique représente au moins 3 % de leur chiffre d’affaires.
Mais, de manière surprenante, alors que de nombreux gouvernements européens ont déjà instauré depuis plusieurs semaines des programmes d’économie d’énergie clairs, Élisabeth Borne s’est contentée d’une incantation sur l’indispensable « sobriété » et a évoqué une campagne de communication sur les écogestes au mois d’octobre…