Start-up

France Digitale plaide pour un meilleur accès des start-up françaises aux marchés publics

Lors d’une audition au Sénat, l’association France Digitale, qui représente 2 000 start-up françaises et européennes, a exposé les difficultés que ces dernières rencontrent pour accéder à la commande publique et encouragé le législateur à lever ces freins.

En 2023, seulement 17% des revenus des start-up françaises provenaient d’acheteurs public.© peopleimages.com
En 2023, seulement 17% des revenus des start-up françaises provenaient d’acheteurs public.© peopleimages.com

«La commande publique joue un rôle essentiel dans le développement des entreprises innovantes françaises», a déclaré la directrice des affaires publiques de France Digitale, Marianne Tordeux-Bitker, lors de l’audition de l’association par la Commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique.

Or, les chiffres montrent que les start-up françaises ont rarement accès aux marchés publics dans l’Hexagone. Selon un amendement du gouvernement au projet de loi de simplification de la vie économique, en discussion «les start-up représentaient seulement 1,35% du total de l’achat public en France en 2023». Et d’après le baromètre France Digitale sur la performance économique et sociale des start-up, «seulement 17% de leurs revenus provenaient d’acheteurs publics en 2023».

De multiples freins à l’accès aux marchés publics

Les difficultés rencontrées pour accéder aux marchés publics sont de plusieurs ordres. À commencer par les exigences fixées par les cahiers des charges : «des exigences qui sont avant tout de nature financière, et des cahiers des charges inadaptés au modèle économique des start-up», a expliqué Yann Boulay, responsable des affaires publiques de France Digitale. «Nous pensons qu’à l’aune du modèle économique des start-up, d’autres critères – de financement, d’investissement – peuvent être pris en compte, au-delà du chiffre d’affaires».

Autre frein : les appels d’offres exigent de renseigner de très nombreux documents, de procéder à des audits des fournisseurs, de respecter des critères environnementaux… «Nous ne sommes pas contre l’introduction de critères environnementaux, mais à partir du moment où cela exige de mobiliser de nombreuses ressources internes, de recourir à des expertises externes coûteuses, cela revient de facto à favoriser des grands groupes qui, eux, ont des équipes RSE en interne».

Autre difficulté : «l’absence de prise en compte des variantes dans les appels d’offres, les variantes étant les solutions alternatives à l’offre de base décrite dans les pièces du marché». La directive européenne sur la commande publique autorise leur prise en compte, mais elle n’est «pas assez incitative», a-t-il expliqué : «nous proposons au pouvoir adjudicateur de pouvoir recourir, par défaut, aux variantes, et s’il ne le souhaite pas, de l’expliquer dans le cahier des charges».

Par ailleurs, «on se rend compte que la centralisation des décisions au niveau ministériel limite la mise en place de projets pilotes dans les directions métiers ou locales : lorsque la direction centrale oppose son veto, l’innovation et l’adaptation aux besoins spécifiques des territoires ou des services restent bloquées». Enfin, dernier frein identifié par l’association : les délais de paiement. «On a des règlements qui peuvent prendre plusieurs mois, alors que les start-up ont des trésoreries particulièrement contraintes – parfois moins de six mois pour certaines start-up industrielles».

La French Tech, Achats innovants

Certaines initiatives portées par les pouvoirs publics vont toutefois dans le bon sens, selon France Digitale. C’est le cas du programme «La French Tech», lancé en 2023 et piloté par la Mission French Tech (un service de la Direction générale des entreprises du ministère de l’Économie et des Finances). Objectif : doubler la commande publique et les achats des grands groupes d’ici 2027, via la simple mise en relation de grands acheteurs publics et de grands groupes avec des start-up. Ce programme a depuis été enrichi par une offre de formation en ligne gratuite destinée aux start-up pour les former à la commande publique (Je choisis la French Tech Académie).

Le dispositif «Achats innovants», expérimenté en 2018 et pérennisé en 2021, est également une initiative intéressante, selon l’association. Objectif : permettre aux acheteurs publics de passer, sans publicité ni mise en concurrence préalable, des marchés portant sur des travaux, fournitures ou services innovants de moins de 100 000 euros. «Nous saluons cette initiative qui mériterait d’être renforcée et massifiée», a déclaré le représentant de France Digitale, qui défend, dans le cadre de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, une augmentation de ce seuil de 100 000 euros. Même si, pour l’heure, les acheteurs publics ont rarement recours à cette possibilité : «si 62% d’entre eux déclarent connaître le dispositif, seuls 26% disent avoir l’intention d’y recourir».

La perspective d’une prochaine révision des directives marchés publics

«Les règles de la commande publique européenne ne permettent pas d’instaurer de la préférence», et aujourd’hui, «seuls 25% des marchés publics européens reviennent à des entreprises européennes», a rappelé Marianne Tordeux-Bitker. Fin 2024, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur la révision des directives relatives aux marchés publics, qui n’ont pas été modifiées depuis 2014.

France Digitale a répondu à cette consultation et proposé des pistes pour favoriser l’accès des entreprises innovantes aux marchés publics, en Europe. «Il commence à y avoir des brèches – avec le Clean Industrial Deal, il y a eu des propositions d’exceptions –, mais la difficulté est de trouver le bon critère qui va permettre de favoriser la commande européenne et la motivation de cette préférence européenne». Reste à voir si le brutal retour de politiques protectionnistes et les hausses des tarifs douaniers vont contribuer à infléchir la doctrine européenne, en introduisant de nouvelles brèches.