Grandvillers : SCA Lin 2000, à la croisée des chemins
Véritable trésor de la région, le lin y est cultivé depuis des décennies. Mais l'été caniculaire de cette année n’a pas épargné les cultures dont les rendements ont souffert et mettent en péril l'avenir des cultures. À Grandvillers, des cultures hivernales sont testées et vont s'étendre l'année prochaine. Quant au chanvre, il fera son apparition en 2023 pour assurer l’avenir des 400 adhérents.
Dans les Hauts-de-France, 3 000 liniculteurs fournissent la précieuse plante... et le lin est le trésor de la région ! Si celle du blé est plus connue, le lin fait partie intégrande de l'économie locale, la Picardie faisant partie des quatre régions productrices de la France. Mais le réchauffement climatique remet en question son avenir. Pour affirmer une bonne année, les rendements sont d’environ 6,4 tonnes à l’hectare, alors que cette année seules 4,5 tonnes sont estimées.
Pas de résilience pour le lin
« Trois causes en sont responsables : le réchauffement climatique, la non pluviométrie et les vagues de chaleur, expliquent Nicolas Defransure, le directeur de la coopérative SCA Lin 2000 de Grandvillers - 49 salariés, qui fête ses soixante dix ans - et Sébastien Jumel, le président de la coopérative. La culture de lin ne connaît pas de résilience en terre de stress hydrique pour la pousse. La pluie est aussi cruciale quand il est à terre lors du rouissage, qui permet de faciliter la séparation des fibres de lin. »
Alors, pour compenser ce manque de résilience, la coopérative teste des cultures de lin textile d’hiver depuis 2016. « Nous allons passer de 150 h à 300 l’an prochain, informent-ils. Ce lin se sème en septembre. Il résiste au froid, jusqu'à environ -5°C. Mais s’il gèle plus fort, en mars, on peut le perdre car le gel brûle la plante qui meurt. Avec le réchauffement climatique nous avons plus de chance d’avoir des canicules en été que d’avoir des températures très froides en hiver. Pour être francs, nous avons peur de ne plus pouvoir cultiver de lin dans une dizaine d’années. En 2023, nous allons tester une quinzaine d’hectares de chanvre textile. Ça peut être une bonne alternative même si c’est une plante moins qualiteuse que le lin.»
Toute
la problématique réside dans la pérennité d’une filière qui
rassemble - pour la coopérative SCA Lin 2000 - 320 producteurs de
lin fibre de paille et 80 adhérents de lin oléagineux, qui peuvent
compter sur la Cuma (Coopérative d'utilisation de matériels
agricoles) linière de Grandvillers pour notamment récolter et
retourner le lin. Alors même que la pérennité de la filière est
évoquée, en presque dix ans, la coopérative a connu une forte
croissance, en ayant commencé avec une centaine d'adhérents et 1
000 hectares
4 600 hectares plantés
Aujourd’hui, 4 600 hectares sont plantés dans le nord ouest de l’Oise, en Seine-Maritime (alentours de Formerie), dans le sud ouest de la Somme… mais aussi en région parisienne dans les Yvelines, en Seine-et-Marne, dans le Val d’Oise. « Nous ne refusons aucun adhérent, expliquent-ils. La demande mondiale ne cesse d’augmenter. 80% de la fibre de lin mondiale vient des Hauts-de-France et de la Normandie. Cette matière séduit une clientèle soucieuse de l’environnement et des conditions de travail. Une pratique raisonnée de l’agriculture suffit pour le lin. Il faut dix fois moins d’engrais que pour le blé ! C’est une culture restructurante pour le sol. Par exemple, si on cultive du blé après, il sera de très bonne qualité. De plus, c’est une matière hygiénique, thermorégulatrice et hypoallergénique. »
Beaucoup présentent le lin comme « le cochon végétal » car rien ne se perd. Le teillage - opération permettant notamment la séparation de la fibre courte de la fibre longue - est réalisée sur place. Les anas - ou fragments de paille récupérés - peuvent être utilisés comme litière pour animaux ou pour les chaufferies. Quant aux fibres courtes, elles entrent dans la composition de papier à cigarettes. Et puis, 100% des fibres longues, la partie noble du lin, sont exportées, soit vers la Chine (à 80%) soit vers l'Afrique.
Au de-là de ses particularités de culture, le lin est aussi un trésor pour son utilisation. Solide et léger, le lin permet toutes les audaces. On peut le découvrir dans des matériaux composites entrant dans la réalisation de casques d’équitation, de coques de catamarans de montures de lunettes, de planches de snow board, d’intérieurs de voitures, et beaucoup d'autres encore. « Nous sommes saturés à 120%, une année comme celle ci nous sommes à 100%. D’ici cinq/ six ans, nous allons devoir doubler notre capacité en construisant une nouvelle usine. Nous avons des terrains. Nous ne quitterons pas Grandvillers. »