Hauts-de-France : décarboner le fret, un rêve qui peut devenir réalité
Après une première édition en 2021, le forum « Transformons la France » est de retour en 2022 avec comme thème « la souveraineté industrielle ». Le 30 novembre, il a fait halte dans les Hauts-de-France. L’occasion d’aborder un sujet d’avenir : la décarbonation du fret.
Depuis plusieurs années, maintenant, les décideurs ont les yeux rivés sur les Hauts-de-France. « Afin de trouver des réponses aux enjeux que traverse l’ensemble des acteurs du transport de marchandises et de la logistique au niveau national, nous regardons régulièrement ce qu’il se fait de mieux et de nouveau en Hauts-de-France, affirme Constance Maréchal-Dereu, Directrice générale de France Logistique. Il faut dire que le territoire est l’un des leaders dans ces secteurs. »
Et des défis, la filière en a trois principaux à relever : améliorer la compétitivité de la chaîne logistique, attirer davantage les jeunes dans les métiers des transports et de la logistique, car de nombreux postes restent vacants, et engager une transition énergétique forte. C’est sur ce troisième point que se sont attardés Benoît Rochet, directeur général du port Boulogne/Calais et Franck Grimonprez, président-fondateur de Log’s, groupe spécialisé dans la vente de solutions logistiques, lors d’une table ronde qui avait pour thématique : les Hauts-de-France, futur hub européen du fret décarboné.
Le report modal : premier pas vers la décarbonation
Les deux dirigeants l’ont assuré : pour être le futur hub européen du fret décarboné, la région a encore du chemin à parcourir. « Le port de Calais est atteint de la carbonite, sourit Benoît Rochet. Il souffre d’une dépendance maladive au carbone. Chaque jour, une dizaine de ferries effectuent jusqu’à 10 traversées vers les pays voisins et 7 000 poids lourds sont acheminés. Faîtes la somme, ça fait beaucoup de rejet de CO2… Comment nous nous soignons ? Grâce au report modal. »
En effet, sur terre, pour limiter le nombre de camions sur les routes et ainsi réduire les émissions de CO2, de plus en plus de logisticiens utilisent le transport par le fer. « Le train va faire +50% de hausse cette année », précise Franck Grimonprez. Des acteurs comme Cargobeamer deviennent majeurs... « Le report par le fer, c’est une brillante idée. Seulement, il va falloir agir vite, car le réseau rail est déjà saturé par les trains de voyageurs. Il est difficile d’ajouter des trains de marchandises », partage Constance Maréchal-Dereu, directrice générale de France Logistique. Ce à quoi le président-fondateur de Log’s a répondu : « Je ne comprends pas pourquoi nous n’autorisons pas les trains de marchandises à voyager de nuit, ce serait une solution ».
Innover pour lutter contre le CO2
La solution du report modal peut aussi se penser par la voie d'eau. De nombreuses entreprises ambitionnent de miser sur le transport fluvial dans les années à venir, notamment avec l’arrivée du Canal Seine Nord Europe. « Bon nombre de dirigeants comptent utiliser le canal pour acheminer et envoyer leurs marchandises, confirme Franck Grimonprez. C’est d’ailleurs pour cela que les communes autour du canal font campagne pour que plusieurs ports intérieurs soient construits. À terme, l’infrastructure doit également permettre de retirer des milliers de camions de sur les routes. »
Des milliers... mais pas tous. Les contraintes de la livraison du dernier kilomètre y sont pour quelque chose. Alors au-delà du report modal, c’est sur les innovations qu’il faut miser pour décarboner la filière. « Les innovations sont la clef, défend Franck Grimonprez. Par exemple, il faut continuer à développer des camions électriques et à hydrogène pour limiter les émissions de CO2. » Un avis partagé par le directeur général du port Boulogne/Calais : «Côté mer, la marine à voile se redéveloppe et le bateau zéro carbone devrait arriver d’ici 2023. Mais d’ici là, il est urgent de travailler sur les mix énergétiques et d’intégrer de nouvelles technologies à bord.»
Bien évidemment, la transition énergétique va réclamer de nombreux investissements, mais les dirigeants se disent prêt à payer pour verdir le secteur. D'autant que ce verdissement est aussi un facteur d'attractivité. « Comme nous vendons des couches écologiques, le fait que la région et ses entrepreneurs souhaitent décarboner le fret, c’est un vrai plus, a témoigné Kilian O'Neill, co-fondateur de Naturopéra, dont l'usine s'est implantée à Bully-les-Mines. Cela devrait rapidement attirer d’autres ETI. »