Hauts-de-France : entreprises en difficulté, anticipez et faites-vous accompagner !

Réseau des dirigeants financiers, la DFCG des Hauts-de-France a organisé le 6 mars à Lille une conférence sur le rôle des acteurs de la prévention des difficultés des entreprises. Alors que les défaillances d’entreprise s’inscrivent en hausse sensible, l’ensemble des intervenants, parmi lesquels figuraient des professionnels du droit et du chiffre ainsi que des représentants des pouvoirs publics, ont insisté sur la nécessité pour les dirigeants d’agir dès les premières difficultés de manière à maximiser leurs chances de rebond.


« En matière d’aide aux entreprises en difficulté, il existe plusieurs acteurs et dispositifs, dont beaucoup restent toutefois méconnus », a expliqué Eric Caspers, président de la DFCG des Hauts-de-France. © Lena Heleta
« En matière d’aide aux entreprises en difficulté, il existe plusieurs acteurs et dispositifs, dont beaucoup restent toutefois méconnus », a expliqué Eric Caspers, président de la DFCG des Hauts-de-France. © Lena Heleta

Sur le front des défaillances d’entreprise, la « parenthèse dorée » qu’a pu représenter la période 2020-2022 semble bel et bien révolue. Alors que le nombre de cessations de paiement avait plongé à des niveaux historiquement bas grâce au  «Quoi qu’il en coûte », la dynamique a en effet commencé à s’inverser au cours des derniers mois. Dans les Hauts-de-France, près de 3 600 procédures collectives ont ainsi été ouvertes en 2022, contre 2 215 sur l’ensemble de 2021. Depuis le début de cette année, ce total avoisine 800 dossiers.

Si le phénomène affecte « principalement des petites structures qui évoluent en B2C » d’après Thomas Bonte, responsable des études chez CreditSafe, il touche un nombre croissant d’entreprises de plus grande taille, à l’instar de Camaïeu, Picwic, Meubles Demeyere, Carelide ou encore Geoxia Nord Ouest. Autre phénomène inquiétant, « de nombreuses procédures de redressement judiciaire sont rapidement converties en liquidation judiciaire », poursuit Thomas Bonte. Un constat corroboré par François Verhasselt, président de chambre de suivi des procédures collectives et référent TDE (Traitement des Difficultés des Entreprises) : « Sur 29 ouvertures de procédures collectives au tribunal de commerce de Lille Métropole lors de l’audience du 6 mars, nous avons eu 29 liquidations directes. »

Le rôle central de l’expert-comptable

C’est dans ce contexte que l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) des Hauts-de-France, en partenariat avec l’Ordre régional des Experts-Comptables et Lille Place Financière, a organisé le 6 mars dernier, dans les locaux de l’IAE de Lille, une conférence consacrée au rôle des acteurs de la prévention des difficultés des entreprises. « En matière d’aide aux entreprises en difficulté, il existe plusieurs acteurs et dispositifs, dont beaucoup restent toutefois méconnus », a expliqué Eric Caspers, président de la DFCG des Hauts-de-France, pour justifier la tenue de cette manifestation à laquelle ont assisté plus de 160 personnes.

Des professionnels du chiffre et du droit aux acteurs institutionnels présents, l’ensemble des panélistes ont d’abord insisté sur la nécessité pour le dirigeant d’entreprise d’être entouré, au quotidien, par un expert-comptable qui, grâce au suivi de tableaux de bord et d’indicateurs de gestion, pourra détecter le plus en amont possible les premières tensions sur la trésorerie. « Conformément à la procédure d’alerte qui fait partie de ses missions, le commissaire aux comptes doit avertir les dirigeants dès qu'il relève des faits susceptibles de compromettre la continuité de l’activité de l’entreprise », a rappelé Grégory Mouy, président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes des Hauts-de-France.

Dans ce domaine, « l’anticipation est la clé, a corroboré Bertrand Leroy, expert-comptable, commissaire aux comptes chez Baker Tilly France. Car en cas de difficultés avérées, un travail de prévention devra rapidement être engagé. » Dans ce cadre, certains experts-comptables proposent aux entreprises qui ne sont pas accompagnées par un professionnel du chiffre un service gratuit de pré-diagnostic. Les portes des tribunaux de commerce sont également ouvertes aux dirigeants pour leur permettre, de façon confidentielle et là aussi gratuite, de discuter de leur situation et de recueillir des conseils.

Grâce au dispositif mis en place par la Commission départementale des Chefs des Services Financiers, «l’entreprise peut obtenir des attestations de vigilance de la part de l’Urssaf et de la DGFIP, lui permettant ainsi de continuer de participer à des appels d’offres», relève Mélanie Meurillon, vice-présidente de la DFCG Hauts-de-France. © Lena Heleta

Des dispositifs d’apurement des dettes

Toujours en phase préventive, d’autres solutions sont à la disposition des entrepreneurs. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs proposées par les pouvoirs publics. « Nous sommes des acteurs en matière de prévention qui, à ce titre, sont aussi là pour aider les entreprises en difficulté », a prévenu Frank Mordacq, directeur régional des finances publiques. Et ses équipes d’énumérer quelques dispositifs existants, comme par exemple les aides relatives aux coûts de l’énergie et la Commission départementale des Chefs des Services Financiers (CCSF). Réservée aux entreprises de toute taille qui sont à jour de leurs obligations déclaratives et de paiement de la part salariale des cotisations sociales, la saisine de la CCSF peut aboutir à la mise en place d’un plan de règlement échelonné des dettes fiscales et sociales (part patronale) du débiteur.

Le rééchelonnement peut s’étaler jusqu’à 24 mois, voire 36 mois. « Pour ce faire, les actionnaires et créanciers privés doivent préalablement avoir consenti à des efforts », a cependant précisé Guillaume Ville, secrétaire permanent de la CCSF et du Comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) du Nord – Conseiller départemental de sortie de crise du Nord. En 2022, 48 entreprises ont bénéficié d’un tel apurement dans le Nord, pour un montant total de créances concernées d’environ 56,4 millions d’euros. « En bénéficiant de ce dispositif, l’entreprise peut obtenir des attestations de vigilance de la part de l’Urssaf et de la DGFIP, lui permettant ainsi de continuer de participer à des appels d’offres », relève Mélanie Meurillon, vice-présidente de la DFCG Hauts-de-France.

En parallèle, les entreprises qui rencontrent des difficultés à lever de nouveaux financements et/ou à rembourser leurs dettes existantes peuvent aussi solliciter la Médiation du crédit. « Il s’agit d’un dispositif gratuit et réactif », a rappelé Carine Jupin, directrice régionale de la Banque de France. Un dispositif dédié à la renégociation des Prêts garantis par l’Etat (PGE) est également en place depuis début 2022. Enfin, alors que la Banque de France attribue une cotation financière à plus de 20 000 entreprises dans les Hauts-de-France dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 000 euros, « les dirigeants ne doivent pas hésiter à se rapprocher de nous pour discuter de leur cotation et, en cas de difficultés, de leurs prévisions », a ajouté Carine Jupin.

Des procédures amiables et préventives

Présentées par Thomas Objatek, avocat associé chez DS Avocats, et Laurent Miquel, administrateur judiciaire – mandataire ad’hoc – conciliateur chez BMA AJ, deux procédures préventives de règlement des difficultés peuvent ensuite contribuer à éviter que la situation financière de la société ne conduise à l’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde financière, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) : le mandat ad hoc, qui permet à l’entreprise de réaménager ses dettes sans que les salariés et les tiers n’en soient informés ; et la conciliation, qui a pour objectif d’aboutir à la conclusion d’un accord amiable entre l’entreprise et ses principaux créanciers. « D’environ 75%, le taux de réussite de ces deux procédures est très élevé », a souligné François Verhasselt.

Un soutien psychologique du dirigeant

Si cette palette de mécanismes vise à remettre l’entreprise d’équerre en termes financiers, les intervenants ont surtout insisté sur l’importance, pour les dirigeants, de se faire eux-mêmes accompagner sur un plan moral, voire psychologique pour ceux contraints de cesser leur activité. « En sortant du tribunal de commerce, le premier sentiment qui peut nous envahir est la honte d’avoir échoué, avant que ne s’enclenche la spirale des 4 « D » (divorce, dépression, dette et décès), déplore Renaud Boudry, animateur Club des Entreprises – membre du C.A. HDF de l’association 60 000 Rebonds. Or l’échec doit être valorisé. Pour cela, il faut aider le dirigeant à réduire au maximum son temps de rebond. »

En moyenne, ce dernier s’établirait à 7 ans à la suite d’une liquidation judiciaire. Outre 60 000 Rebonds, d’autres structures opèrent à cette fin. « C’est par exemple le cas de l’association Apesa, qui propose un dispositif gratuit de soutien psychologique », a évoqué Corinne Renart, présidente de l’Ordre des Experts-Comptables Hauts-de-France.

Dans ce même souci d’accompagnement des dirigeants, à chaque étape de développement de leur entreprise, l’Association Ambition Hauts-de-France va prochainement voir le jour. « Créée sous l’égide d’Eric Feldmann, président du tribunal de commerce de Lille Métropole, et de Xavier Bertrand, président du Conseil régional, sa vocation être d’être un point d’accueil et d’orientation pour chaque entrepreneur », a informé Thierry Dujardin qui, outre ses fonctions actuelles de directeur général d’Entreprises et Cités et du Groupe IRD, en assurera la présidence. Le lancement officiel d’Ambition Hauts-de-France devrait intervenir dans quelques semaines, en Picardie.

«Le commissaire aux comptes doit avertir les dirigeants dès qu'il relève des faits susceptibles de compromettre la continuité de l’activité de l’entreprise», a rappelé Grégory Mouy, président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes des Hauts-de-France. © Lena Heleta