L’immobilier de commerce subit de profondes mutations
Le marché de l’immobilier de commerce, impacté par la hausse des prix de l’énergie, une possible crise de la consommation et des tendances sociétales nouvelles, subit de profondes mutations, d’après Knight Frank, spécialiste du secteur.
L’année 2023 promet de rabattre les cartes… Fin janvier, à Paris, lors d’une conférence de presse consacrée à un bilan très complet du marché de l’immobilier d’entreprise en 2022 et à ses perspectives pour 2023, Knight Frank, spécialiste du secteur, a notamment livré son analyse du marché de l’immobilier des commerces. Ce dernier connaît une phase de « profonde mutation, entre rationalisation et expansion », explique Antoine Salmon, directeur du département locatif commerces chez Knight Frank. Plusieurs dynamiques de nature différente s’imposent à ce marché, avec des conséquences diverses selon les segments et les types de projets. En tête des facteurs qui promettent de perturber le marché en 2023, figurent la détérioration du contexte économique global, le taux d’inflation qui reste élevé et les risques sociaux que pourrait générer le projet de réforme des retraites. « L’ensemble de ces phénomènes ont une incidence évidente sur la confiance des ménages et aussi un impact sur leur consommation », précise Antoine Salmon. Un arbitrage budgétaire en faveur des biens de première nécessité, alimentation et énergie, semble plausible.
Sur le marché de l’immobilier de commerce, cette tendance devrait renforcer une dynamique déjà initiée depuis plusieurs années : l’expansion des enseignes à bas prix, à l’image de Action, Centrakor ou Gifi. Et de fait, d’après Knight Frank, la catégorie du discount représente 8% des enseignes qui ont communiqué sur leurs projets d’extension en France. Les enseignes de la mode, de la maison, de la beauté et du sport, représentent chacune un pourcentage comparable à celui du discount. En tête des secteurs les plus ambitieux figurent l’alimentation (13% des projets annoncés) et surtout, la restauration (30%). Dans ce secteur, les projets concernent essentiellement la restauration rapide et les franchises.
Fermetures de magasins en vue, coup d’arrêt aux grands ensembles
A contrario, l’activité des dark stores – basée sur la consommation de produits courants commandés via une application – s’essouffle : seulement 40 des 219 locaux existants fin 2022 ont ouvert durant l’année. En toile de fond, en effet, ce marché qui avait littéralement explosé durant la pandémie, connaît une très forte concentration. Il compte trois acteurs fin 2022, contre une dizaine un an auparavant. Quant au secteur de l’habillement, particulièrement exposé aux arbitrages budgétaires des ménages, il conserve néanmoins une place centrale dans le marché immobilier de commerce, d’après Knight Frank. L’enseigne Camaïeu n’a pas survécu, mais d’autres affichent des ambitions, tels Primark et Mango.
Toutefois, quel que soit le secteur, « en 2023, l’impact de charges diverses pesant sur les enseignes sera important sur le marché de l’immobilier de commerce », pointe Antoine Salmon. En particulier, l’explosion des tarifs de l’énergie devrait conduire des sociétés à mener des opérations immobilières. « Les prochains mois verront une accélération des opérations de rationalisation, ce qui se traduira sans doute par un accroissement du nombre de fermetures liées à la volonté des enseignes de réduire la voilure, en se délestant des magasins les moins performants », prévoit l’expert.
Pour autant, Knight Frank juge que les boutiques vont conserver une « place centrale » dans les stratégies des enseignes. Ces dernières pourraient concentrer leurs investissements sur un nombre plus réduit de magasins, des « flagships », ces boutiques sophistiquées qui jouent le rôle de vitrine de la marque. Par ailleurs, une autre tendance potentiellement majeure est constatée par Knight Frank : 2023 pourrait marquer la fin des grands projets d’ensembles commerciaux. Au total, en 2022, moins de 350 000 m² ont été livrés en France, soit 42 % de moins que la moyenne des cinq années qui précèdent la crise sanitaire. Pour Antoine Salmon, un « nouveau jalon » pourrait bien être posé dans l’histoire du commerce de périphérie.