La formation, clé de voûte de la reprise économique
Le rapport Investir dans les compétences pour reconstruire l'économie de l’économiste Nicolas Bouzou est clair : pour qu’il y ait une véritable reprise économique, les entreprises doivent investir dans la formation professionnelle. Pour lui, les deux sont étroitement liées. Il préconise une douzaine de mesures pour redonner ainsi toute sa place à la formation.
« On ne demande pas un big bang de la formation, car cela serait trop long et coûteux. Il faut utiliser les mécanismes existants et les débloquer », explique Charles-Antoine Schwerrer, directeur des études chez Asterès. Le cabinet de conseil a été mandaté par la Fédération de la Formation Professionnelle (FFP) pour travailler sur le rôle des compétences durant et après la crise sanitaire et économique de la Covid-19. De fait, le rapport “Investir dans les compétences pour reconstruire l’économie”, des économistes Charles-Antoine Schwerrer et Nicolas Bouzou, présenté en juin dernier, préconise une douzaine de mesures « simples et peu coûteuses ».
Constatant que l’on ne peut se passer de la compétence aujourd’hui, celle-ci « passe par la formation professionnelle qui est une nécessité pour une croissance économique sur le long terme », indique en préambule Nicolas Bouzou. Il ajoute que « la clé de la sortie de crise, c’est la productivité des salariés et des entreprises » et insiste sur « la nécessité structurelle de former les actifs ». « La formation conditionne notre reprise économique, qui, dans le meilleur des scénarios, sera en U ou en V, ou bien en racine carrée, à cause de problèmes de productivité justement ». D’autant que « la compétence des actifs français, déjà inférieure à la moyenne des pays comparables, a eu tendance à décliner ces dernières décennies ». Ainsi, moins de 40% des actifs auraient accès à la formation en France, contre 53% en Allemagne et plus de 60% dans les pays du Nord. « Sept millions de personnes devraient être formées en plus chaque année », note Guillaume Huot de la FFP.
Proposer le FNE-formation à tous les salariés
Nicolas Bouzou constate que les entreprises de taille moyenne ne sont plus incitées à former leurs salariés. « Depuis deux ou trois décennies, la formation a ralenti, avec une croissance structurelle de 1% par an ». En cause notamment, les dysfonctionnements constatés en termes de financement. « Les PME et ETI sont les grandes perdantes des dispositifs existants. Elles versent ainsi 1,7 milliard d’euros au titre de la formation continue et reçoivent moins de 500 millions d’euros d’aides en retour ». Sa crainte ? Que les entreprises n’aient plus la trésorerie nécessaire et soient obligées de réduire fortement leurs coûts et « d’entrer dans des logiques court-termistes, et donc de ne pas investir dans des logiques à long terme, comme la formation ». Pourtant, elles doivent être particulièrement vigilantes sur la question de la formation continue, au risque sinon de « perdre du capital humain que les salariés vont payer au niveau personnel et au niveau macro-économique, durablement ».
Pour que les entreprises, et notamment les plus petites, puissent faire monter en compétences leurs salariés, l’une des propositions formulée dans le rapport est d’étendre le mécanisme de FNE-formation, prévu pour les salariés placés en activité partielle, à tous les salariés d’entreprises de 50 à 250 salariés qui ont d’importants besoins d’investissement en formation. Dans le même sens, les deux économistes préconisent de faire monter en puissance le Compte personnel de formation (CPF) en permettant à tous les acteurs –entreprises, salariés et collectivités– de pouvoir abonder. Une autre mesure prévoit de donner la possibilité aux futurs demandeurs d’emploi de demander une formation, sans attendre d’être inscrit à Pôle Emploi.
Investir dans les compétences numériques
En termes de contenu des formations, les deux économistes priorisent le digital et la transition écologique. La crise a donné « un coup d’accélérateur au numérique en bâtissant une économie distancielle ». Or, nombre de salariés ne sont pas à l’aise avec les outils du numérique et ralentissent, de fait, les gains de productivité de l’entreprise. Et, d’après une enquête de la BEI (Banque européenne d’investissement), la disponibilité de la main d’œuvre constitue le blocage numéro un de la digitalisation des entreprises françaises. Le rapport propose donc d’« inclure les compétences dans la politique d’investissement numérique ». Le même objectif doit être poursuivi pour la transition écologique, son accélération nécessitant de développer des compétences spécifiques. Ainsi, les économistes préconisent d’« inclure les compétences dans le Green Deal européen ».
Enfin, pour répondre aux évolutions industrielles, aux innovations technologiques et aux objectifs de relocalisation, « la formation doit constituer un outil de compétitivité pour l’industrie, et donc pour la relocalisation des activités jugées stratégiques ».
Pour l’heure, les filières disent faire face à un déficit de compétences. Or des compétences pointues et nouvelles s’avèrent nécessaires pour répondre à ces évolutions.