Conjoncture

Le dur retour à la réalité économique en France

À l’heure de la rentrée, les problèmes socio-économiques d’avant l’été font leur grand retour dans un contexte politique encore plus tendu, alors même que la France ne manque pas d’atouts au sein de la zone euro…

(c) Deemerwha studio
(c) Deemerwha studio

Après la parenthèse enchantée des Jeux olympiques, qui a permis un temps de faire oublier — au moins en région parisienne — les problèmes du pays, le retour à la réalité est dur. Ce d’autant plus que le temps est loin d’être au beau fixe en France, entre taux d’intérêt toujours très élevés, taux d’endettement important des entreprises et ménages par rapport aux autres pays de la zone euro, finances publiques dans le rouge… le tout sur fond de perspectives socio-économiques dégradées et de risques accrus !

Endettement et taux d’intérêt

Dans un pays où l’endettement (privé et public) pèse si lourd, des taux élevés sur les prêts étranglent forcément les agents économiques les plus fragiles financièrement. Le salut pourrait alors venir d’une baisse des taux d’intérêt directeurs, symboliquement déjà entamé par la Banque centrale européenne (BCE) en juin dernier. Il serait d’ailleurs grand temps de mettre un terme à ce remède de cheval — à l’efficacité douteuse — mis en œuvre pour tenter de soigner avec retard l’inflation aux États-Unis et dont la posologie a été détaillée sans états d’âme par le président de la Banque centrale américaine, il y a deux ans : « des taux d’intérêt plus élevés, une croissance plus lente et un marché du travail plus fragile vont réduire l’inflation, mais ils vont affecter douloureusement les ménages et les entreprises ». L’Union européenne (UE) avait tardivement appliqué la même potion amère, négligeant au passage le risque de récession lié à une telle politique restrictive.

L’enthousiasme suscité par une possible baisse des taux d’intérêt doit néanmoins d’être tempéré, d’une part en raison de l’évolution, pour l’instant très incertaine, des indicateurs suivis par la BCE (prix de l’énergie, créations d’emplois…) et, d’autre part, car la transmission de la politique monétaire à l’économie prend du temps, tant et si bien que les effets sur les taux d’intérêt ne se feront guère sentir avant 12 à 18 mois. Une éternité lorsque la trésorerie est déjà sous contrainte…

Des politiques économiques difficilement lisibles au sein de l’UE

Si ces baisses de taux se concrétisent alors, peut-être, les pays de l’UE pourront-ils échapper à la récession qui se profile. En Allemagne, longtemps locomotive économique de l’UE, la question se pose avec d’autant plus d’acuité que tous les facteurs ayant contribué au miracle économique allemand, il y a 20 ans, semblent s’être retournés. Quant à la France, ses finances publiques — 5,5 % du PIB de déficit public et 110 % du PIB d’endettement public — la livrent inévitablement aux soubresauts des marchés financiers. Certes, l’économie française devrait connaître une modeste embellie de l’activité au troisième trimestre en raison des Jeux olympiques, d’où le rebond des indicateurs de climat des affaires au mois d’août. Et en guise de cadeau électoral, il avait été décidé, en juillet, que le tarif réglementé de l’électricité n’augmenterait pas le 1er août. Hélas, à l’instar de toute bouffée euphorisante, son action n’est que de courte durée et la plupart des prévisionnistes anticipent toujours un taux de croissance quasi nul en 2024 et guère plus, en moyenne, dans la zone euro.

Il est vrai que les choix de politique économique (policy mix) au sein des États européens ne sont pas toujours très lisibles, entre, d’un côté, la politique budgétaire et fiscale qui est du ressort des gouvernements nationaux, mais dont la Commission européenne limite l’action, et de l’autre, la politique monétaire menée en toute indépendance par la BCE. En France, cette dissonance se fait particulièrement entendre et le nouveau gouvernement va donc se retrouver contraint de mettre en œuvre, en accord avec la Commission européenne, un plan pluriannuel de réduction du déficit et de l’endettement publics, afin de revenir au plus vite sous les 3 % du PIB pour le premier et en deçà des 60 % du PIB pour le second. Et ce alors que les Français semblent de moins en moins enclins à contribuer à l’impôt, tant les prélèvements obligatoires leur semblent disproportionnés en regard de la qualité des services publics reçus.

Et à cela se conjuguent des risques difficilement maîtrisables à l’échelle nationale, mais dont les conséquences peuvent être dévastatrices : volonté de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) de baisser la production de pétrole, ralentissement prononcé de l’activité en Chine et recul de sa demande extérieure, doutes sur la politique économique des États-Unis en raison de l’élection présidentielle en novembre, risques géopolitiques, etc.

En définitive, le contexte socio-économique est assurément encore plus tendu en cette rentrée, puisque s’y ajoute désormais une crise politique. Gageons que la nomination d’un nouveau Premier ministre, dans les prochains jours, permettra d’afficher une feuille de route claire et raisonnable permettant d’exploiter les atouts de la France dont il est trop peu question : main-d’œuvre qualifiée, qualité des infrastructures, attractivité des territoires…