Europe

Les finances publiques dégradées par la crise

En raison de la crise liée à la Covid-19, les finances publiques se sont dégradées quasiment partout au sein de la zone euro. Mais le pari d’un retour de la croissance, qui résorberait les déficits, semble hasardeux au vu du contexte. Éclairage.

(c)Adobestock
(c)Adobestock

Le Premier ministre, Jean Castex, a installé, le 4 décembre dernier, une commission sur l’avenir des finances publiques. Composée de dix personnalités (anciens élus, économistes, spécialistes des finances publiques), elle a pour mission de réfléchir à la manière de redresser les comptes publics. Ces derniers ont en effet été lourdement grevés par la crise liée à la Covid-19, qui a conduit à augmenter très fortement les dépenses publiques au moment où les recettes sont en berne, d’où un déficit public record et une hausse vertigineuse du taux d’endettement public. Mais réduire la dette publique, sans augmenter les prélèvements obligatoires, semble ouvrir la voie à une politique d’austérité, qui sera probablement mise en œuvre lors du prochain quinquennat.

La dégradation générale dans la zone euro

Dans ses prévisions d’automne, la Commission européenne admet sans ambages que « la pandémie de Covid-19 représente, pour l’économie mondiale et celle de l’UE, un choc d’une très grande ampleur, aux conséquences économiques et sociales très graves». L’économie européenne a plutôt bien rebondi au troisième trimestre, après la levée progressive des mesures de confinement. L’année 2020 devrait ainsi s’achever sur une contraction globale de l’économie de la zone euro moins forte, mais avec tout de même un déficit public agrégé d’environ 8,8 % (4,7 % attendus en 2022) et un taux d’endettement public total de 101,7% (102,6% attendus en 2022) !

En 2020, tous les pays de la zone euro feront face à un déficit public, mais tandis que l’Allemagne devrait terminer l’année à -6% du PIB, l’Espagne, la Belgique, l’Italie et la France, dépasseront 10,5% du PIB ! Et même si la Commission anticipe une réduction du déficit public de 40 à 50% d’ici à 2022, le besoin de financement demeurera partout extrêmement élevé. À tel point que le taux d’endettement public devrait atteindre, en 2022, 118,6% du PIB en Belgique (117,7%, en 2019), 123,9% en Espagne (120,3%, en 2019), 119,4% en France (115,9%), 159,1% en Italie (159,6%)… Mais la deuxième vague de l’épidémie est passée par là et laisse entrevoir un scénario bien plus sombre…

Le pari hasardeux de la croissance

Le pari fait par les gouvernements est qu’un soutien massif à leur économie, dans le cadre notamment des plans de relance, conduira au retour d’une croissance forte, à même de combler le déficit public, tout en réduisant le taux d’endettement public. Pour l’instant, la solvabilité de nombreux États résulte avant tout de la politique monétaire ultra-expansionniste menée par la Banque centrale européenne (BCE), qui exerce une forte pression à la baisse sur les primes de risque et les taux d’intérêt.

Hélas, même avec une telle politique, la BCE n’arrive toujours pas à atteindre sa cible d’inflation de 2% (0,3% dans la zone euro et 0,9 % dans l’UE, en 2020), ce qui laisse présager une période longue de quasi-déflation, terreau défavorable à l’investissement des entreprises et à la croissance. Au reste, l’objectif d’une croissance forte, qui paraissait déjà inatteignable avant la crise, est-il encore pertinent au regard des nouveaux défis environnementaux et humains ?

Le retour des règles budgétaires

Consciente de l’absence de dynamique positive à court terme, la Commission européenne a accepté de surseoir provisoirement à l’application des règles budgétaires issues du traité de Maastricht (déficit public inférieur à 3% du PIB et dette publique inférieure à 60 % du PIB), complétées en 2011 par le six-pack et, en 2013, par le two-pack ainsi que le Pacte budgétaire européen (déficit public structurel inférieur à 0,5 % du PIB). Mais c’était pour mieux en rappeler l’esprit lors de l’évaluation des plans budgétaires nationaux, qui lui ont été soumis dans le cadre du Semestre européen.

Certes, la Commission tolère des déficits abyssaux afin d’éviter une dépression économique, mais l’accent est d’ores et déjà mis sur le caractère ciblé et temporaire des mesures de soutien, pour ne pas compromettre «la viabilité des finances publiques». En l’occurrence, la France est pointée du doigt en raison des hausses de salaires du personnel de santé et de la baisse permanente des impôts de production. Le danger avec de tels raisonnements purement comptables est qu’en plus d’ignorer les dimensions politiques et humaines des dépenses publiques, ils peuvent conduire à une rechute ultérieure de l’économie, à l’instar de ce qui s’était passé en 2012 après la crise des subprimes. Peut-être faudra-t-il dès lors revoir les règles budgétaires à l’issue de la crise, comme l’a suggéré le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune ?