Les grands enjeux pour les agriculteurs en 2023
À l’occasion de ses vœux de début d’année, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a présenté les principaux dossiers sur lesquels elle entend se mobiliser. Tour d’horizon.
2023 est une année « qui s’annonce bien remplie », a déclaré la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, lors de la conférence de presse de rentrée qui s’est tenue à Paris. Et ce, dans un contexte très particulier. Crise sanitaire, crise de l’énergie, guerre en Ukraine… « Ce climat pèse sur notre moral à tous » et « affecte notre secteur parce que les courants commerciaux s’en trouvent perturbés ». Mais ces évènements ont aussi contribué à mettre en avant « l’importance de la souveraineté alimentaire », et l’agriculture est aujourd’hui « plus en vue dans l’agenda des décideurs politiques » à Paris et à Bruxelles.
Loi alimentation, bouclier tarifaire : des dispositifs à suivre
Le sujet d’actualité qui, selon elle, préoccupe le plus les agriculteurs est le maintien des dispositifs de la loi alimentation (dite « EGAlim 2) qui visent à préserver leurs revenus. La FNSEA souhaite la reconduction des deux dispositifs, actuellement en expérimentation, concernant le seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions, ainsi que l’adoption d’autres dispositions pour empêcher les distributeurs « de contourner la loi en établissant des plateformes de négociation à l’étranger » et pour permettre de recourir à un médiateur « quand il y a non-accord entre industriels et distributeurs ».
Autre grand sujet de préoccupation de la rentrée : la hausse des tarifs de l’énergie. La FNSEA a « un vrai travail d’explication à faire auprès des agriculteurs qui entrent dans les dispositifs d’aide annoncés », et « pour accompagner ceux qui renégocient leur contrat aujourd’hui ». Et « si les dispositifs sont insuffisants, nous saurons porter à nouveau la demande auprès du gouvernement », a déclaré la présidente de la FNSEA.
Agrivoltaïsme, vente de crédits carbone : des sources de revenus supplémentaires
Autre sujet d’actualité pour la filière agricole : la loi accélération des énergies renouvelables. En cours d’examen au Parlement, elle vise notamment à réguler le développement du photovoltaïque, qui peut constituer une source de revenus complémentaires pour les agriculteurs. Sur ce terrain, « notre priorité reste le photovoltaïque sur les toits », a expliqué Christiane Lambert. « Nous sommes opposés au photovoltaïque au sol s’il n’y a pas de production au sol », et c’est ce que « nous avons fait écrire dans la loi ». En parallèle, la fédération syndicale travaille avec les Chambres d’agriculture qui ont conduit une expérimentation dans une dizaine de départements « pour identifier les terres en friche depuis plus de 10 ans sur lesquelles il serait possible de faire du photovoltaïque au sol ».
La vente de crédits carbone est une autre source de diversification des revenus des agriculteurs que la FNSEA veut encourager. Elle souhaite que le label bas carbone, validé par le ministère de l’Agriculture pour l’élevage et les grandes cultures, soit étendu à d’autres activités agricoles « pour qu’un maximum d’exploitations puissent entrer dans le système ». Grâce aux agriculteurs qui ont fait réaliser le diagnostic associé au label bas carbone, le secteur a déjà des crédits carbone à vendre et « nous cherchons des entreprises » qui veulent en acheter. Air France va y recourir pour compenser ses vols intérieurs, de même que des charbonnages qui ont rouvert dernièrement.
Retraites : en attente de précisions sur la réforme
La profession attend actuellement la fin de l’examen par le Parlement du texte qui prévoit que le calcul de la retraite des agriculteurs se fera sur les seules 25 meilleures années de leur carrière, ce qui représenterait « un gain de 250 à 300 euros par mois pour les agriculteurs », a précisé Christiane Lambert. En ce qui concerne le projet de réforme des retraites annoncé par le gouvernement, lequel prévoit le maintien du régime spécifique des agriculteurs, la FNSEA attend des précisions pour savoir si la hausse du minimum de la pension pour les carrières complètes (à 1 200 euros) sera également applicable aux conjoints d’agriculteurs (dont le minimum de pension s’établit à 741 euros).
Aléas climatiques : appel à souscrire à l’assurance récolte
Autre dossier sur lequel la FNSEA s’est beaucoup investie en 2022 et va continuer à travailler, avec les assureurs, en 2023 : l’assurance récolte. Un sujet sensible en ce début d’année, alors que les températures ont été inhabituellement hautes pour la saison : si le thermomètre ne baisse pas rapidement, « nous avons peur d’une grande catastrophe dès le mois de février », a déclaré le secrétaire général de la FNSEA, Jérôme Despey.
Alors que le nouveau dispositif d’assurance récolte destiné à couvrir les risques liés aux aléas climatiques est entré en vigueur en janvier, la FNSEA, lance un appel à mobilisation auprès des agriculteurs pour qu’ils souscrivent à ce nouveau système assurantiel. Elle vise « un objectif de 60% d’assurés en viticulture et en grandes cultures et de 30% en prairies et en arboriculture en 2030 », a-t-il poursuivi. Pour l’heure, « à peine 31% des surfaces agricoles sont assurées ». En 2023, la Fédération va continuer de travailler avec les assureurs et les réassureurs pour améliorer et étendre la couverture assurantielle à toutes les activités agricoles.
Transmission des exploitations et accueil de nouveaux profils d’agriculteurs
Enfin, un autre gros dossier va mobiliser l’ensemble de la filière agricole française en 2023 : le Pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles, annoncés en septembre dernier par le président de la République et portés par le ministère de l’Agriculture, qui a confié l’organisation de tous les débats aux Chambres d’agriculture. « Au cœur de cette loi, il y a l’avenir de l’agriculture pour les 10 et 20 prochaines années, avec un enjeu énorme en termes de renouvellement », a rappelé Christiane Lambert. « Nous avons perdu 100 000 exploitations sur les 10 dernières années, et plus de 100 000 exploitants vont partir à la retraite dans les 10 années qui viennent. » « Il y a des places à prendre en agriculture, il y a de belles exploitations à reprendre », mais il y a aussi un certain nombre de freins à lever : la question « du foncier », « du financement », « du portage provisoire », « de l’organisation du travail, notamment dans l’élevage », « de la fiscalité » … Ainsi que la question de l’intégration des activités agricoles dans tous les milieux : « tout le monde veut le saucisson de proximité, mais personne ne veut la porcherie de proximité », a-t-elle relevé.
Pour faciliter la transmission des exploitations et mieux accueillir les nouveaux profils d’agriculteurs, la FNSEA a « un cap » qui sera présenté lors de son congrès, en mars prochain. Date à laquelle la question de la transmission se posera aussi au sein de la FNSEA puisque Christiane Lambert a annoncé qu’elle ne représentera pas sa candidature à la présidence de la Fédération syndicale.