Les organisations patronales veulent poursuivre « la politique de l’offre »

Accélérer le retour à l’emploi, continuer à dynamiser l’apprentissage, mieux flécher l’argent public… Les représentants patronaux et le président de CCI France ont évoqué les multiples chantiers à mettre en œuvre par le gouvernement, lors de la récente table-ronde « PME : décryptage des grands enjeux de la rentrée à trois voix », organisée par l’AJPME.

François Asselin, président de la CPME.
François Asselin, président de la CPME.

« La moitié de notre dette vient de nos régimes sociaux », a constaté le président de la CPME, François Asselin devant les journalistes spécialistes des PME (AJPME), le 17 septembre dernier, à quelques jours de la nomination du nouveau gouvernement. De fait, il déplore le « trou béant » qu’est « l’absence de stratégie de réforme de ce que je qualifie d’action publique » et appelle à réinterroger le système social du pays.

Et de regretter, notamment, que la proposition de la CPME d’introduire une part de capitalisation collective pour commencer à anticiper l’évolution démographique n’ait pas été retenue dans la réforme des retraites. Pour lui, il est indispensable que « le pays se remette à l’endroit sur sa propre finance et sur sa propre organisation sociale ». Le président de CCI France Alain di Crescenzo a lui aussi appelé au redressement des finances publiques et des économies de l’État : « Il faut faire des économies au niveau de la sphère publique ». Prenant en exemple l’action des CCI, établissements publics de l’Etat, depuis une dizaine d’années, il démontre que « ce qui était impossible, on l’a fait. Si nous, chambres de commerce, on sait faire, d’autres peuvent le faire ».

Dotées d’un budget d’1,35 milliard d’euros en 2013, les CCI sont passées à 520 millions d’euros aujourd’hui et de 25 000 à 14 000 personnes, rappelle-t-il. « On a fait économiser un demi-milliard d’euros à l’Etat par an », se félicite-t-il. Sans pour autant faire moins d’accompagnement, ajoute-t-il.

Un système de bonus-malus pour l’apprentissage

S’inquiétant du projet de loi de Finances 2025, Alain di Crescenzo appelle à « ne pas taper sans discernement », notamment sur l’apprentissage : « Ne laissons pas tomber quelque chose que l’on a mis des années et des années à réaccélérer ». Alors que recruter quelqu’un de formé s’avère « très compliqué », François Asselin rappelle qu’« avoir un système d’apprentissage performant est un enjeu majeur pour les PME ». Et d’insister sur le fait que « l’apprentissage, c’est l’ADN des PME ». En tant que chef d’entreprise, –François Asselin est dirigeant de l’entreprise familiale éponyme Asselin SAS, une PME de 140 salariés spécialisée dans la restauration de monuments historiques et des bâtiments anciens–, il argue que 80% des effectifs de son entreprise sont issus de l’alternance. « Si pour des questions budgétaires, on veut raboter telle ou telle chose, je dis qu’il ne faut pas se tromper de combat ». Constatant des dérives avec la libéralisation de l’apprentissage, –« Je vois des centres d’apprentissage qui forment des gens avec un taux d’insertion de moins de 30% ou 10% de présence. Ce n’est pas possible »–, Alain di Crescenzo invite le gouvernement à « faire en sorte que le volume d’apprentis se corrige un peu par la qualité » pour « éviter que la situation de l’apprentissage soit celle des lycées professionnels ».

Concernant le financement, il plaide pour mettre en place un système de bonus-malus. Soit évaluer chaque année la qualité des centres de formation, en prenant en compte le taux de placement à 12 ou 18 mois pour « faire en sorte que les aides arrivent au bon endroit ». Qu’ainsi, « les CFA qui n’ont pas de bons taux d’insertion dans l’emploi, soit des taux inférieurs à 80%, n’auraient pas les mêmes financements que ceux qui offrent un meilleur accès à l’emploi ». Et de plaider également pour plus de rigueur dans l’évaluation de ces centres. Appelant à rationaliser l’apprentissage, il insiste sur le fait que « c’est la qualité qu’il faut, c’est le placement qu’il faut ». De manière générale, les représentants patronaux appellent à un meilleur fléchage des aides publiques, soit à la capacité d’ « orienter vers ceux qui ont l’effet de levier et les aider à appréhender l’aide publique ».

Accélérer le retour à l’emploi

Sur le sujet d’un meilleur fléchage de l’argent public, Michel Picon, président de l'U2P, le syndicat des entreprises de proximité, ne dit pas autre chose, exprimant sa crainte de voir certaines dispositions du projet de budget 2025 « susceptibles d’impacter les aides à l’apprentissage » et invitant le gouvernement à mieux flécher l’aide à l’apprentissage. Et de citer notamment l’aide pour les entreprises de plus de 250 salariés qui ne serait pas forcément « nécessaire » et constituerait plus un « effet d’aubaine ». « L’apprentissage doit être fléché vers les petites entreprises qui ont besoin d’accompagnement », insiste-t-il.

Autre sujet abordé, les problématiques de recrutement. Alors qu’Alain di Crescenzo met en garde sur le fait que « certaines entreprises risquent de mourir pour celles qui peuvent faire de la croissance parce qu’elles n’ont pas de main d’œuvre », il invite le gouvernement à accélérer le retour à l’emploi, notamment pour les jeunes et les personnes au chômage de longue durée. « On ne peut pas avoir des bassins d’emploi sous tension », faisant notamment référence aux secteurs de l’hôtellerie- restauration ou de la propreté. Et de proposer deux mesures pour y parvenir : « les accompagner sur les soft skills et leur donner une formation additionnelle métier pour qu’elles puissent mieux s’insérer dans l’entreprise avec un tutorat ». Et Michel Picon de rappeler qu’à l’heure où il faut gérer « avec plus de parcimonie » l’argent public, il convient de « le flécher vers ceux qui n’arrivent pas à trouver un emploi ». « Ce sont avec les gens les moins formés, les moins diplômés, ceux qui ont échoué dans leur cursus scolaire, que se trouve le vrai sujet de l’emploi, de la détresse sociale », explique-t-il.

« Voie contre-productive »

Enfin, parmi les autres problématiques évoquées par les représentants patronaux, la simplification, encore et toujours, et notamment le reporting extra-financier ou la cotation CSRD. « Depuis deux ans, on dit attention, c’est un train fou qui ne va pas résoudre le problème de la transition écologique. C’est en train au contraire de décourager les plus vertueux. On est en train de déployer une sorte d’étau dans lequel on va être tous piégés. Car quand bien même vous n’êtes pas concerné par la cotation CSRD, par capillarité, si vous avez un donneur d’ordre qui est soumis à cette cotation, vous devrez répondre à ces critères », constate François Asselin. Et de conclure que « l’on est en train de nous enserrer dans un système normatif. La méthode mise en place est totalement contre-productive : on est en train de faire de la transition une sorte de défiance, alors qu’à l’origine il y a de la confiance », poursuit-il, avec des entrepreneurs conscients des leviers et des opportunités d’activité qu’elle représente. « Toutes les transitions peuvent paraître anxiogènes, mais elles sont des leviers incroyablement producteurs d’activité », plaide-t-il.