Les stations de ski face au défi du changement climatique
La Cour des comptes a récemment émis plusieurs recommandations pour faciliter et accompagner l’adaptation des stations de montage au changement climatique, qui les fragilise économiquement.
La politique de développement des stations de sports d’hiver impulsée par l’État dans les années 1960 et 1970 et la forte progression du tourisme hivernal qui en a découlé en France ont contribué à « rendre les espaces de montagne fortement dépendants du ski », observe la Cour de comptes dans son rapport sur « Les stations de montagne face au changement climatique », publié début février. Objet de cette enquête : analyser les effets du changement climatique sur les stations de montagne et évaluer dans quelle mesure elles s’y sont adaptées, ou pas.
Les magistrats financiers se sont plus particulièrement penchés sur la situation de 42 stations de ski situées dans les Alpes, les Pyrénées, le Massif central et le Jura, et ils se sont également appuyés sur une base de données couvrant 200 stations, afin de procéder à des analyses statistiques.
Le déclin d’un modèle économique
Premier constat établi par la Cour des comptes : durablement affecté par le changement climatique (manque de fiabilité de l’enneigement, remontée de la limite pluie-neige), le modèle économique du ski français s’essouffle. La situation est toutefois assez hétérogène selon les stations, qui sont plus ou moins menacées en fonction « de leur exposition au risque climatique, de l’impact économique et social, et de la capacité financière des collectivités à s’adapter ». Reste que toutes les stations seront – plus ou moins – atteintes (cf encadré) d’ici 2050, et que seules « certaines d’entre elles peuvent espérer poursuivre une exploitation au-delà de cette échéance ».
Un impact de plus en plus sensible sur les finances publiques locales
Autre constat dressé par cette étude : le changement climatique a déjà un impact croissant sur les finances publiques locales. « Fragilisées par le manque d’enneigement et l’érosion de leur clientèle de skieurs, de plus en plus de stations ne sont déjà plus en capacité d’atteindre l’équilibre d’exploitation. » La baisse du niveau de fréquentation entraîne une diminution des recettes des collectivités locales. Ces dernières se retrouvent alors confrontées à des difficultés pour financer les investissements nécessaires au renouvellement des immobilisations, dont les remontées mécaniques.
Des politiques d’adaptation en deçà des enjeux
La Cour de comptes observe également que les politiques publiques d’adaptation des stations de montagne au changement climatique « ne sont pas à la hauteur des enjeux ». L’essentiel repose en effet sur la production de neige artificielle pour assurer l’enneigement à court terme, ce qui constitue une solution transitoire, coûteuse, et de moins en moins efficace avec la hausse des températures. « De plus, l’impact de la production de neige sur les ressources hydriques apparaît sous-estimé dans de nombreux territoires », souligne le rapport.
Quant aux politiques de diversification lancées dans certaines stations, « elles tendent souvent à reproduire le modèle du ski, fondé sur des investissements importants et une forte fréquentation ». Enfin, l’État est trop peu présent pour accompagner ces efforts d’adaptation, faute de planification écologique adéquate dans ce secteur, et les régions ne s’investissent pas dans ces politiques de diversification, qui relèvent de choix locaux.
Six recommandations
Face à ces constats, la Cour émet six recommandations pour faciliter l’adaptation des stations de ski aux évolutions climatiques. Elle recommande tout d’abord d’élaborer un plan d’adaptation au changement climatique pour chaque station de montagne et de conditionner l’octroi des financements publics à l’existence d’un tel plan et à son respect. Elle suggère ensuite de créer un fonds d’adaptation au changement climatique, alimenté par le produit de la taxe sur les remontées mécaniques. Basé sur un mécanisme de solidarité financière entre les stations, ce fonds serait destiné à financer les actions de diversification et le démantèlement des installations obsolètes.
Autres propositions : s’appuyer sur une gouvernance élargie au-delà des seules communes de montagne, associant l’ensemble des acteurs concernés, acteurs publics et privés, créer un observatoire national regroupant toutes les données relatives « à la vulnérabilité en montagne », afin de les rendre accessibles à tous les acteurs locaux, et enfin, faire évoluer le cadre normatif de sorte que « les autorisations de prélèvements d’eau destinés à la production de neige tiennent compte des prospectives climatiques ».
Les stations de ski françaises les plus menacées par le changement climatique
En annexe de son rapport, la Cour des comptes publie le classement des 163 stations de ski étudiées dans le panel en fonction de leur score de vulnérabilité aux évolutions climatiques. Dans les Alpes du sud, les stations classées comme les plus vulnérables sont celles de Roubion-les-Bruisses, Saint-Léger-les-Mélèzes, Molines Saint-Véran, Layes, Chaillol, Ceillac, Arvieux et Aiguilles. Dans les Alpes du Nord, ce sont : La Toussuire-Saint-Pancrace, Notre-Dame-du-Pré, du Col d’Ornon et du Granier. Dans les Pyrénées, les plus menacées sont Font-Romeu et Peyragudes.
Olivier Razemon