Mini abus de droit : opérations et opportunités
La dernière loi de Finances a instauré un nouvel abus de droit visant à écarter les opérations à but “principalement” fiscal. Ce mini abus de droit prend donc sa place à côté de la fraude à la loi (motif exclusivement fiscal) et de la fictivité de l’opération.
Ce nouveau dispositif, applicable pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2020, autorise l’administration fiscale à contester une opération qui était tolérée jusqu’à présent par l’administration fiscale !
Quelles sont les opérations, validées jusqu’à présent par la jurisprudence, qui seront remises en cause à compter du 1er janvier 2020 ?
Le pouvoir d’interprétation discrétionnaire de l’administration fiscale porterait, entre autres, sur deux types de montage fortement utilisés :
Les opérations de donation avant cession. Cette pratique est très fréquente dans la mesure où elle permet à la fois de transmettre une partie de son patrimoine à ses enfants mais aussi de bénéficier d’une diminution de l’impôt dû sur la plus-value. En effet, cette opération permet de gommer une partie de la plus-value latente au moment de la cession par les enfants si la valeur de donation et de cession est quasi équivalente. Jusqu’à présent, il convenait de respecter certaines conditions pour que le schéma ne soit pas remis en cause. Demain, ce type d’opération serait susceptible de tomber sous le coup du mini-abus de droit.
La principale difficulté réside dans l’interprétation de ce motif “principalement” fiscal. Aucune précision n’est pour l’instant fournie par les textes et les commentaires de l’administration sont attendus avec impatience. À ce jour, il est difficile de savoir si ce type d’opération pourra tout de même être remis en cause s’il existe un délai suffisamment long entre la donation et la cession. On espère qu’un délai acceptable entre ces deux événements puisse être prévu. À noter que la vigilance devra être accrue dans le cadre d’une donation en démembrement de propriété avec un quasi-usufruit après cession. Rappelons que le risque réside dans la taxation de l’impôt de plus-value qui aurait dû être acquitté, assorti d’une pénalité pouvant atteindre 80%. Pour le dirigeant souhaitant céder ses titres à un repreneur extérieur au groupe familial et procéder, avant la cession à terme, à une donation de la nue-propriété d’une certaine quotité de ses titres, il conviendra de valider avec le plus grand soin le montage avec ses conseils.
La donation des titres d’une société endettée. Aujourd’hui, il est tout à fait possible de procéder à la donation des parts d’une société civile immobilière procédant à l’acquisition d’un bien immobilier financé par le biais d’un crédit. L’intérêt est simple : les droits de donation sont assis sur une assiette quasi-nulle, entraînant ainsi des droits de donation très fortement limités ! Ce type d’opération ne serait donc plus possible après le 1er janvier 2020. Le démembrement de propriété ab initio ne semble pas visé, pour l’instant, par les nouvelles dispositions de l’article L 64 A du CGI ; sans doute est-ce une ouverture ? Là encore, la principale difficulté réside dans l’absence de texte précisant les contours de ce nouvel abus de droit. Il conviendra d’attendre les commentaires de l’administration.
Attention cependant, pas de contre sens : la donation de la nue-propriété ne devrait pas, a priori, relever de l’abus de droit. Un communiqué de presse n°568 publié le 19 janvier 2019 par le ministère de l’Action et des comptes publics avait tenu à rassurer les praticiens sur ce type de montage. Sans doute un espoir pour les donations réalisées quelques années avant la cession. Dans une telle hypothèse, anticiper la transmission de son patrimoine reste, une fois encore, le maître-mot !