Bilan 2023 de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes
Miser sur de nouvelles missions pour compenser la perte de mandats
Évolution du portefeuille de mandats de certification des comptes, nouvelles prestations hors certification des comptes, formation aux enjeux de durabilité… Le point sur les grandes tendances de l’activité des commissaires aux comptes en 2023.
«Le
nombre de mandats de certification des comptes ne cesse de
décroître»,
a déclaré le président de la Compagnie nationale des commissaires
aux comptes (CNCC), Yannick Ollivier,
lors
de la présentation à la presse des résultats du Baromètre de la
CNCC sur l’activité de la profession en 2023, le 30
avril .
C’est l’un des principaux enseignements de la quatrième
édition
de cette étude annuelle basée sur l’analyse des déclarations
d’activité des commissaires aux comptes en 2023 et sur une enquête
menée auprès d’un échantillon représentatif de ces
11 467 professionnels
(dont
trois quarts d’hommes).
Les effets de la loi Pacte continuent de se faire sentir
L’évolution du portefeuille de mandats de certification des comptes en 2023 (concernant la clôture des comptes 2022) confirme cette tendance amorcée depuis la réévaluation des seuils de certification légale par la loi Pacte. Alors que la profession comptabilisait environ 263 000 mandats en 2019, elle n’en comptait plus que 229 450 en 2023 (certification obligatoire et non obligatoire).
Près de la moitié
(49%) des mandats concernent des petites entreprises, 21% des
PME, 14% des associations, fondations ou fonds de dotation, 6% des
grandes entreprises, 4% des organismes de placement collectif, 1% des
entités d’intérêt public et 5% d’autres types d’entités. À
noter que le nombre de mandats de certification des comptes
d’associations, fondations et fonds de dotation continue de croître
d’année en année.
Érosion des taux de renouvellement des mandats en deçà des seuils
Si 14 000 des mandats perdus en 2023 sont liés à la loi Pacte, cette érosion s’explique aussi par une dégradation du taux de renouvellement des mandats dans les entreprises en deçà des seuils. Le premier facteur qui joue sur cette décision est la taille de l’entreprise : «les entreprises qui s’approchent des seuils ont un taux de renouvellement très élevé, et quand on s’éloigne des seuils le taux de renouvellement est beaucoup plus bas», a pointé Fabrice Vidal, président de la commission «Marché petites entreprises» de la CNCC.
On observe un effet de seuil :
«on voit qu’à partir de 3 millions d’euros de chiffre
d’affaires et une petite quinzaine de collaborateurs, le dirigeant
a besoin de quelqu’un à
côté de lui pour l’accompagner», a
ajouté le président de la CNCC. Enfin, quand le mandat est
renouvelé, c’est le même commissaire aux comptes qui est désigné,
dans 90% des cas. «Cela
traduit la reconnaissance de la relation de confiance qui a été
créée», a
relevé Fabrice Vidal.
Développer de nouvelles missions
L’autre grand enseignement de ce baromètre de l’activité de la profession concerne le développement de nouvelles prestations. 69% des commissaires aux comptes ont ainsi déclaré d’autres missions hors certification l’an passé, contre 45,8% en 2022. Il s’agit le plus souvent de missions d’attestation liée à une obligation légale ou réglementaire (47%), de missions concernant les opérations en capital (26%) et de missions à la demande de l’entité (18%).
Les
enjeux relatifs à la responsabilité sociétale des entreprises
(RSE) et à la sécurité informatique connaissent «une
montée en puissance, y compris dans les petites entreprises»,
a précisé le président de la CNCC. «C’est une satisfaction
car cela s’associe à la reconnaissance de la légitimité du
commissaire aux comptes en tant qu’acteur crédible sur ces enjeux.
Cela fait des années que nous communiquons sur nos compétences en
matière de numérique, et en matière de RSE depuis trois ans, et
cela se ressent dans les attentes des dirigeants.»
Les enjeux de durabilité et la formation de CAC verts
Du
fait notamment de l’entrée en vigueur cette année de la directive
CSRD (qui prévoit la publication et l’audit des informations de
durabilité des plus grandes entreprises), l’étude s’est
intéressée plus particulièrement aux enjeux de durabilité dans
les cabinets d’audit. Un tiers des commissaires aux comptes ayant
répondu à l’enquête ont déclaré qu’au moins une entité de
leur portefeuille est concernée par la CSRD en 2024 ou 2025, et 60%
de ceux qui n’ont pas d’entité directement concernée par la
CSRD dans leur portefeuille se forment ou ont prévu de se former sur
les enjeux de durabilité. Les deux tiers des répondants ont déclaré
échanger sur ces sujets avec leurs clients, dans le cadre de
différentes missions telles que le diagnostic RSE (60%), la
vérification du rapport RSE (39%) ou l’attestation sur les
indicateurs RSE (20%).
Enfin,
3 000 commissaires aux comptes sont déjà en cours de formation pour
devenir auditeurs de durabilité. Les premiers seront diplômés cet
été. Ces commissaires aux comptes «durabilité»
pourront-ils être les commissaires aux comptes «financiers»
de la même entreprise ? «Selon nous, il n’y a pas
d’incompatibilité», a répondu le président de la
CNCC. Quelle option les premières entreprises visées par la
directive CSRD ont-elles choisi entre leur commissaire aux comptes
historique, un autre commissaire aux comptes «vert» ou un
organisme tiers indépendant ? «Pour l’instant, on
ne sait pas encore quelle est la tendance.»
La crainte d’un nouveau relèvement des seuils
Il est également encore trop tôt pour savoir quel sera l’impact du décret du 28 février 2024 qui prévoit une nouvelle modification des seuils à partir desquels la certification des comptes est obligatoire. Désormais, seules les entreprises qui dépassent deux des trois seuils suivants doivent désigner un commissaire aux comptes : un total bilan de 5 millions d’euros, un chiffre d'affaires de 10 millions d’euros et 50 salariés. Du fait de la grande diversité des structures d’exercice de la profession, qui compte de très petits et de très gros cabinets, ce relèvement des seuils peut induire «un effet de concentration» et présenter «un risque pour les cabinets libéraux».
Face à la crainte d’un nouveau relèvement des seuils via la future loi de simplification de la vie économique, la profession s’est mobilisée pour défendre sa valeur ajoutée auprès du ministère de l’Économie et des Finances. «Nous ne sommes pas une complexité administrative, nous sommes un créateur de confiance pour l’entreprise. La méconnaissance de notre métier amène parfois à une incompréhension de ce que nous pouvons apporter», a souligné le président de la CNCC.