Santé au travail : plus d’un tiers des salariés en burn-out
Le dernier baromètre d’Empreinte Humaine, cabinet spécialisé dans la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux, fait état d’un niveau de santé psychologique des salariés qui reste très dégradé après deux ans de pandémie, cinq vagues de protocoles sanitaires en entreprise et la banalisation du « stop and go » du télétravail. État des lieux.
Après deux années de crise sanitaire, la fatigue pandémique s’installe. Ainsi, la 9ème vague du baromètre réalisée pour Empreinte Humaine, enregistre plus d’un tiers des salariés français, soit 6 millions de personnes, en situation de burn-out, dont quelque 2,5 millions en burn-out sévère. « C’est trois fois plus qu'avant la crise sanitaire », alerte Christophe Nguyen, enseignant, psychologue du travail et des organisations, cofondateur et président d’Empreinte Humaine.
Le cabinet spécialisé dans la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux montre que 41% de salariés se disent en situation de détresse psychologique, soit 3 points de plus par rapport à octobre 2021, dont 13% en détresse psychologique élevée. Les télétravailleurs sont quant à eux 36% à indiquer être dans cette situation de burn-out, dont 13% en burn-out « sévère ».
Femmes et jeunes plus exposés
Parmi les populations les plus exposées, les jeunes de moins de 29 ans, avec plus d'un sur deux se déclarant victime de « détresse psychologique » en entreprise. « Malgré la bonne insertion des jeunes dans les entreprises, notamment via l’apprentissage, ils ont besoin d’être intégrés dans une équipe, dans l’entreprise, dans ses codes, dans ses repères, pour bien apprendre un job ». Autres populations particulièrement à risque : les femmes et les managers, avec des taux de souffrance de respectivement 47,5% et 44%. Parmi les facteurs explicatifs pour les femmes, « des responsabilités familiales qui pèsent plus sur elles, et leur sur-représentativité dans des métiers moins qualifiés ou des temps partiels imposés, et un sentiment de non reconnaissance et d’iniquité vis-à-vis des hommes, dans l’accession à des promotions. Ce sont aussi celles qui ont fait le plus de compromis vis-à-vis de leur travail, pour gérer leurs responsabilités familiales ». Quant aux managers, ils sont 38% à être en situation de burn-out, dont 16% en burn-out sévère. « Les managers étaient plus en télétravail imposé, avec une charge de travail supplémentaire, un isolement important et de fortes inquiétudes sur le suivi de l’activité et l’état des salariés », explique Christophe Nguyen.
64% de RH en détresse psychologique
Nouveauté significative, la fonction RH, particulièrement exposée depuis le début de la crise, apparaît parmi les populations en entreprise dont la santé psychologique se dégrade nettement. Ces professionnels sont ainsi 64% à être en situation de détresse psychologique et 63% en situation de burn-out, dont 34% de burn-out sévère. « Il y a des risques juridiques qui pèsent sur eux : obligation de prévention, mise en œuvre de multiples protocoles sanitaires, perte de repères, encadrement du télétravail en mode hybride, confrontation liée à l’éclatement des collectifs qui se manifeste par plus de conflits en entreprise, par la gestion de difficultés liées à l’isolement et à la prise en charge de difficultés personnelles, et la gestion de la détresse psychologique de salariés, justifie Christophe Nguyen. La fonction a dû appliquer des mesures sanitaires à vue, sans bordage, sans filet ».
Autre chiffre alarmant, 40% de la population RH exprime son intention de quitter son entreprise actuelle. D’autant qu’elle ne bénéficie pas toujours des ressources en interne –comité de veille, conseillers, psychologue, médecin du travail– sur lesquelles s’appuyer. D’où un risque de turnover plus important pour cette fonction, alerte le psychologue.
Montée de l’agressivité
La détresse psychologique se manifeste par des symptômes de dépression et d'épuisement - désespoir, perte d’énergie, fatigue pandémique -, qui peuvent entraîner des problèmes plus graves, tels que des troubles anxieux ou des addictions. Cet état psychologique dégradé crée également des problématiques relationnelles et se manifeste par de l’agressivité. Ainsi, un salarié sur deux remarque que son entourage professionnel est « plus agressif depuis la crise Covid19 » et a tendance à « s’isoler, à se couper du monde », et 40% déclarent « perdre souvent patience et être facilement irritables ». Un état qui joue enfin sur la créativité et la collaboration dans l’entreprise avec un tiers des sondés qui indiquent être « moins réceptifs aux idées de leurs collègues », et un quart « être agressifs pour tout et rien ».
« Il y a un enjeu de reconstruction d’un climat relationnel positif », signale Christophe Nguyen. Or, si la crise s'éternise, « les entreprises ne se sont pas assez préoccupées de ce sujet ». Ainsi, « seulement un tiers des sociétés sont perçues comme mettant en place des mesures efficaces en matière de risques psychosociaux, regrette Christophe Nguyen. Il y a un grand déficit de la culture de la prévention en France, avec un manque d’engagements des directions et un manque d’actions concrètes ».
Ainsi, malgré l’ampleur du phénomène, seulement un quart des salariés considèrent que leur entreprise a mis en œuvre des actions concrètes et 30% que leur direction générale est réellement engagée sur le sujet. Autres résultats qui prouvent le peu d’implication : seul un quart des salariés pensent que leur entreprise réagit rapidement en cas de problèmes de santé psychologique et 21% qu’il existe, au sein de leur entreprise, une culture de la prévention des risques psychosociaux. Pour Christophe Nguyen, le sujet du burn-out « ne doit pas être tabou, mais abordé comme n’importe quel risque professionnel, au même titre qu’un risque chimique, par exemple », conclut-il.
*Enquête réalisée avec OpinionWay pour Empreinte Humaine, du 27 janvier au 11 février 2022, auprès d'un panel représentatif de 2 001 salariés français.