Très chers Jeux olympiques

Les Jeux olympiques d’été comme d’hiver ont presque toujours conduit, à l’arrivée, à d’importantes dérives budgétaires, par inflation des coûts et insuffisance des retombées économiques…Eclairage

8,9 milliards d’euros : c’est le dernier pointage du budget consacré aux Jeux olympiques de Paris. (c)adobestock
8,9 milliards d’euros : c’est le dernier pointage du budget consacré aux Jeux olympiques de Paris. (c)adobestock

La cérémonie d’ouverture sur la Seine du 26 juillet a donné le coup d’envoi des « Jeux de la XXXIIIe olympiade de l’ère moderne », qui se déroulent à Paris jusqu’au 11 août. Puis, suivront du 28 août au 8 septembre, les Jeux paralympiques. Cet événement a bien entendu un coût, supporté en partie par les finances publiques, mais des retombées positives en matière économique, sociale et politique sont espérées. L’enjeu est donc de savoir si, à l’arrivée, la facture nette ne sera pas trop salée…

Coûts directs des JOP 2024

8,9 milliards d’euros : c’est le dernier pointage du budget consacré aux Jeux olympiques de Paris ! Le dossier de candidature, validé en 2017, prévoyait en tout 6,2 milliards d’euros, mais entre-temps les coûts ont dérapé et pas seulement en raison de l’inflation. Toujours est-il que les dépenses d’investissements en infrastructures (logements, piscines…) sont financées pour moitié par le public (État, Région, communes dont Paris), à hauteur de 2,3 milliards d’euros. Sur le versant fonctionnement, les 4,4 milliards d’euros de dépenses du Comité d’organisation des JO, (nourriture, transport des athlètes, salaires des membres de l’association…) proviennent pour 96 % de fonds privés, répartis grosso modo en tiers : recettes liées à la vente de billets (dont le prix jugé trop élevé a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses critiques), partenariats avec des entreprises et, enfin, dotation du Comité international olympique, liée notamment aux droits de diffusion télévisuels.

Sur les dernières décennies, force est de constater que l’accueil de plus en plus d’athlètes, dans des disciplines nombreuses nécessitant des infrastructures particulières, a grandement contribué à la hausse des coûts. À cela se conjuguent des obligations de sécurité croissantes avec, dans toutes les mémoires les actes terroristes de Munich en 1972. Mais, il ne faut pas non plus négliger l’addition liée au processus même d’attribution des Jeux, qui contraint les prétendants à surenchérir dans les dépenses pour embellir la vitrine et emporter la décision du Comité Olympique International (CIO).

Mesurer les retombées et bénéfices nets des JO

Outre des objectifs de reconnaissance internationale, de réélection pour les gouvernants et tout simplement de prestige, qui expliquent entre autres l’inflation des coûts de la seule cérémonie d’ouverture, l’organisation des Jeux olympiques est souvent présentée comme favorable à l’économie nationale. Pour tenter d’en donner une mesure, deux types d’analyse peuvent être mise en œuvre. La première est une analyse coûts/bénéfices, qui compare la valeur monétaire des coûts et des bénéfices attendus. La deuxième, fondée sur l’impact économique, consiste à mesurer les retombées économiques monétaires au sens large (conséquences sur l’emploi, supplément de revenu généré, développement économique local) de l’organisation des Jeux pour le pays.

L’une comme l’autre, ces analyses présentent des difficultés méthodologiques, ne serait-ce qu’en raison de la complexité à chiffrer précisément les coûts et bénéfices directs propres à l’organisation des JO. Certaines rénovations d’infrastructures sont-elles directement rattachées aux Jeux ou bien ne relèvent-elles que de l’opportunisme ? Comment chiffrer précisément la baisse d’activité et de fréquentation dans les secteurs de l’hôtellerie et restauration s’expliquant exclusivement par les JO, entre difficultés notamment à se déplacer et renoncement des touristes étrangers à venir en France ? Comment évaluer les coûts indirects (primes, heures supplémentaires…) et les retombées sociales à long terme (pérennisation des emplois et infrastructures, amélioration de l’attractivité…) ?

La malédiction du vainqueur

De manière générale, les retombées économiques attendues des JO ont presque toujours déçu au plus haut point les espoirs, à tel point que l’on parle désormais de « la malédiction du vainqueur », malgré les millions de spectateurs et les milliards de téléspectateurs. Les records de dépassement de budget pour les Jeux d’été peuvent, sans hésitation, être attribués à Pékin en 2008, dont la facture finale a été près de douze fois plus lourde que prévu ! C’est ce qui fait même dire à certains que les JO sont devenus, au moins depuis ceux de Los Angeles en 1984, explicitement un business comme un autre. Une fois que chacun s’est servi, que reste-t-il finalement comme retombées économiques nettes pour les villes hôtes ? Hélas, rien de vraiment significatif, si l’on en croit les diverses études économiques menées depuis plusieurs décennies…

Dans ces conditions, l’on comprend mieux que les candidatures ne se bousculent plus au portillon du CIO, alors que des évolutions simples pourraient réduire la facture (fracture ?) financière, environnementale et probablement sociale : site unique ou co-organisation entre plusieurs villes, audit externe des comptes et, pourquoi pas, réduction des ambitions cérémonielles et salariales pour en revenir au cœur du message de Pierre de Courbertin ?